Au bord du gouffre, que fait la Gauche ? (2)
(2. Le risque concret de l'extrême-droite)
par Fabrice MAUCCI
le 23 décembre 2010
Dans un monde où la Droite a diffusé ses valeurs, abaissé les esprits et ôté toutes les brides au capitalisme, dans cet horizon que la Gauche continue d'hésiter à voir comme inadmissible ou indépassable et dans lequel elle ne sait finalement plus quoi faire, il reste une option pour des peuples aigris, effrayés, mal éduqués et sous-informés : l'extrême-droite. De l'Amérique du Nord du Tea Party à Israël version Nethanyaou plus Lieberman en passant par la Suisse ou les Pays-Bas, tout indique que ce courant prend de l'ampleur dans tous les Etats anciennement industriels et « démocratiques ». On se replie sur des racines et sur ce qu'on définit étroitement comme « les siens » parce qu'on ne maîtrise plus rien au-delà.
A ce sujet, la prochaine élection présidentielle française pourrait bien être vécue comme un nouveau choc. A cette date, il est probable que Nicolas Sarkozy aura encore davantage fait la preuve de son égocentrisme, de son agitation, et surtout de son inefficacité pour le peuple, laquelle sera à mesurer à l'aune des gains obtenus par la caste qu'il défend réellement. Son omniprésence médiatique, les tentatives de déstabilisation de la presse qui le critique, sa pratique autocratique et parfois illégale du pouvoir ainsi que la parole « décomplexée » de son camp sur les questions identitaires, auront en revanche préparé un terrain bien nauséabond.
En habituant une fraction croissante des Français à un discours et une gouvernance « musclés », il aura estompé les différences entre lui et l'extrême-droite, la seconde devenant plus « désirable » que lui puisque sans bilan à assumer et sans lien aussi voyant avec les grands intérêts privés. Ceux qui ont félicité l'actuel président pour avoir siphonné les voix du Front National en 2007, pourraient bien être surpris de la manière dont il a au contraire, et involontairement, œuvré pour les démultiplier. C'est pour cela que 2012 relève du grand danger.
Si le second tour de 2012 voit s'affronter Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy, les électeurs de Gauche auront autant de raisons de voter pour ce dernier que pour Chirac en 2002 mais beaucoup plus de scrupules à le faire, et le résultat final est bien moins certain qu'il y a huit ans. Si c'est un(e) candidat(e) de Gauche qui combat le capitaine du bateau frontiste, la droite « décomplexée » par Sarkozy, dont la stratégie aura pendant 5 ans consisté à trouver la Gauche « dangereuse » mais les idées de l'extrême-droite réutilisables, n'aura pas de réflexe démocratique symétrique à celui dont a bénéficié Jacques Chirac en 2002. Entre un choix Le Pen et l'abstention, le pire sera à craindre du comportement des électeurs UMP.
Pour éviter ce naufrage, encore faut-il trouver la bonne stratégie et les bons arguments. Asséner à des électeurs qui ne la perçoivent pas ainsi, l'équation FN égal danger, n'a aucun intérêt. Démontrer ce danger prend du temps (c'est un cours d'histoire !) et un temps au cours duquel on ne propose rien à la place. Ce qu'il faut, c'est démonter les raisonnements du FN, les préjugés de son électorat, montrer qui ou quelles politiques sont coupables des maux de la société, et surtout proposer des solutions, montrer une alternative crédible, compréhensible, attrayante, solide. L'anti-sarkozysme n'apportera rien si ce n'est pour embrayer la discussion au bistrot du coin. Sans projet clair à gauche, il nourrira le FN qui lui, en a un, ou d'autres candidats qui à défaut, paraîtrons sérieux (Bayrou) ou sincères (Besancenot).