Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Pour le parti du Progrès
Newsletter
Pour le parti du Progrès
  • Ce blog est une plateforme appelant à recomposer la Gauche démocratique en France et en Europe, autour d'un projet de transformation du monde suffisamment innovant pour être à la fois très ambitieux et réalisable.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
9 janvier 2010

Comme toujours, l'avenir est dans la poche (2/2)

Ceci est la suite de cet article

Au secours, nous ne sommes pas tous des « geeks »

Cette évolution matérielle et logicielle n’est évidemment pas terminée, mais elle donne déjà le vertige. Si en la matière peu de gens souhaiteraient revenir en arrière, nombreux et de presque tous les âges sont celles et ceux qui aimeraient que ça ralentisse un peu, qu’une pause leur permette de se remettre à la page.

Car c’est en quelque sorte la première fois que l’humanité utilise et maîtrise aussi peu complètement une famille d’outils dont elle s’est dotée. Personne sauf les informaticiens et une minorité de « geeks » accrocs à toutes les nouveautés de l’univers numérique ne peut consacrer assez de temps pour se former à ce monde parallèle.

C’est aussi pour cela que cette révolution engendre ces propres fractures, appelées à doubler les précédentes, à devenir béantes et extrêmement difficiles à réduire.

3 types de fractures numériques

Accéder à l’interface informationnelle du monde nouveau suppose jusqu’ici un équipement et des abonnements personnels coûteux quand ils sont complets, ce dont découle une fracture numérique sociale à toutes les échelles. Son curseur n’est pas identiquement placé selon le niveau de développement de l’espace considéré, mais finalement, cette coupure a de pires conséquences quand on est un des rares individus « hors du coup » dans des espaces riches presque entièrement « on line ». Elle est alors la conséquence d’une accumulation de freins : financiers, éducatifs, culturels.

La fracture numérique est aussi territoriale, selon un mode fractal. Dans les pays les plus pauvres, seuls quelques quartiers huppés des capitales et une pincée de cybercafés des villes moyennes auront accès à l’Internet (satellite ou câblé), et à une offre téléphonique mobile plurielle. Cette hiérarchie existe dans les pays développés, mais décalée vers le mieux et affinée : l'extra-haut débit reste l'apanage des pôles scientifiques et économiques des villes-monde, les centres urbains même modestes accèdent au haut débit permettant les usages les plus modernes du web, tandis que les lieux les moins densément peuplés, à l’écart aussi des axes de transit ou des bassins touristiques restent pour certaines d'entre elles en "zone blanche" de téléphonie mobile, et disposent d'un Internet de "bout de ligne" à vitesse très limitée.

L'accès à ces progrès techniques repose en effet sur un équipement du territoire en infrastructures (fibre optique, ADSL, antennes-relais) dont la densité est proportionnelle à la recette susceptible d’être en chaque lieu tirée du service rendu. Pour 6,83 milliards de Terriens en cet instant, seul 1,7 milliard dispose d’un accès à internet via un ordinateur personnel. Dès lors que les frais se réduisent, l’appartenance à l’infosphère progresse : on a franchi en 2008 le cap des 4 milliards d’utilisateurs de téléphones cellulaires. C’est donc probablement par ce dernier objet que viendra l’intégration la plus rapide de « l’humanité en développement » au cyberespace.

La césure est enfin générationnelle, même si elle est graduelle. Il y a des grands-parents de 80 ans totalement immergés dans le monde virtuel et les télécommunications nomades, mais ils sont minoritaires. Inversement, il reste des quadragénaires largués qui dominent à peine les fonctions les plus basiques de leur lecteur DVD, de leur mobile première génération ou de leur traitement de texte. La formation, la profession, l’insertion sociale et les aptitudes intellectuelles étant de profonds déterminants de l’usage des outils numériques, le rythme des mutations technologiques restant élevé, il n’est pas certain que cette fracture générationnelle ne soit que temporaire, le temps du « passage du monde d’avant au monde suivant ». Elle se réduira mais ne disparaîtra probablement pas.

2010, premier bilan : un monde chambardé sur les plans culturel, économique, social et politique

Je ne serai clairement pas complet sur ce point, car cela mériterait deux ou trois articles entiers et une consultation quotidienne d’une brochette de bons blogs et d’ouvrages spécialisés. Mais il est évidemment urgent de faire le bilan et l’analyse critique de ce que les progrès de télécommunications et de traitement de l’information effectués depuis 30 ans ont modifié dans notre monde. Sur les plans culturel, économique, social et politique, des pratiques impensables et des valeurs inexistantes, masquées ou enfouies ont surgi et remplacé de plus anciennes a priori bien ancrées en moins de quinze ans. Le monde est chambardé, ce qu’on mesure sans toujours le décrypter.

Cette révolution créé ses emplois et en rend d’autres inutiles tous les jours, sans qu’on ne connaisse vraiment la balance. Le droit d’auteur part en fumée sans que les problèmes engendrés par sa déliquescence ne soient solutionnés. Le potentiel de lien social, y compris ciblé, critérisé, a été démultiplié mais la solitude persiste et gagne du terrain. Le web est en train de devenir la première source d’information générale et le premier mode de campagne politique. Le monde plonge et replonge dans un bain bouillonnant, lequel offre d’une main de nouvelles opportunités et provoque de l’autre de considérables et brutales remises en cause.

L’inondation communicationnelle, de l’info à l’intox, du savoir au nombril…

Porte théoriquement ouverte sur une somme incommensurable de savoirs et de nouvelles utiles et de qualité, l’infosphère n’est pas sélective. Pour être pratiquée sans encombres, elle nécessite de l’entraînement, du doigté, des précautions, un savoir-naviguer, un savoir-distinguer, un savoir-décrypter. Toutes les formes et toutes les motivations de communication y circulent, pas nécessairement pour le bien d’autrui, et avec une fiabilité ultra-variable. L’enquête, la révélation, le service, la mobilisation citoyenne y côtoient sur un pied d’égalité le buzz publicitaire ou propagandiste, le nombrilisme, l’escroquerie, l’intox et l’internationale des fous dangereux.

Dans ce second univers, on a gagné en immédiateté, la recherche et l’action prennent le temps d’un clic, à la demande. A-t-on pour autant gagné du temps ? libéré l’esprit ? La sensation de beaucoup est qu’on se noie ou qu’on s’endort facilement les yeux ouverts devant l’offre ébouriffante d’informations. On ne sait plus nécessairement bien filtrer, bien trouver, on n’a moins vite qu’avant la certitude d’avoir en main la bonne source de savoir, la meilleure plateforme de diffusion de l’information.

Les médias de masse antérieurs sont littéralement ringardisés, absorbés, forcés de s’adapter. De l’information descendante, à langage unique et sommaire, Internet on est passé à l’échange massif, multimédia et à la construction mutuelle de l’information. Formidable opportunité, exceptionnel fourre-tout,

Internet, mobile : plus de liberté ?

Le web a son contre-web, le mail son cousin le spam, le vrai commerce son négatif à travers le phishing. A l’usage positif de l’infosphère se juxtapose une délinquance commerciale, financière ou sexuelle qui se sert aussi des capacités d’Internet, un deuxième usage nettement plus rageant. A quoi nos sociétés répondent par un troisième usage, aux possibilités inquiétantes même (surtout ?) en démocratie, fait de traçage, de fichage, de flicage. Les désillusions sur le caractère « libertophile » de la Toile s’étendent au-delà des « trous noirs du web » comme la Chine ou l’Iran. Les Etats (l’Australie est le premier pays démocratique à censurer le web), les criminels de tout poil, les malveillants n’ont pas fini de trouver dans cet outil les moyens de nous asservir, sans que nous n’en ayons toujours conscience.   

Les grandes entreprises aussi, à ceci près qu’une étroite frange d’entre elles me semble disposer d’un potentiel de nuisance bien supérieur à toutes les autres. Il s’agit de celles dont le métier est précisément de créer, d’ouvrir et de fermer, d’enrichir ou de trier l’infosphère. Celles qui ont innové les premières ont tiré de leur avance des positions dominantes comme rarement dans le capitalisme moderne. Monopoles (Microsoft) ou oligopoles (Bouygues, SFR, Orange) privés, ces groupes dont nous sommes tous dépendants et qui aujourd’hui vendent leur âme dans l’intérêt des dictatures, peuvent demain, s’ils le veulent et si aucun obstacle démocratique ne s’y oppose, imposer leur logique économique, leur manière de penser, leurs acteurs politiques.

Leur puissance de feu est d’autant plus grande que quelques-uns d’entre eux sont en passe, d’ici quelques années, par rachats ou diversification propre, de maîtriser la totalité de la chaîne informationnelle : réseaux, matériels, logiciels (interfaces, moteurs de recherche, applications), services et contenus. Google Street view, G Mail, YouTube, Google Chrome, Google books, Google Nexus One… Répétez après moi.

Le colossal enjeu d’une éducation à l’environnement numérique

Face à l’ambivalence du cybermonde, la prévention majeure relève de l’éducation. Déjà devant nous, le chantier est énorme. Nos adolescents additionnent les addictions aux écrans, perdent en sommeil, en concentration et en activités constructives, engourdissent leurs neurones par des utilisations passives, exclusivement ludiques ou superficielles des nouveaux outils, cherchent, prélèvent et classent de plus en plus mal l’information ! Se poser, réfléchir, recouper, synthétiser deviennent pour une part des efforts insurmontables.

A la recherche de l’infini…

L’éducation au monde numérique (qui en tant que telle va intégrer les programmes de lycée en France… en série S seulement, rééquilibrage des filières oblige) nous conduira peut-être à une utilisation plus rationnelle, moins gourmande de nos outils, lesquels atteignent en même temps que nous quelques limites.

D’infrastructure tout d’abord. Si celles de stockage sont constamment repoussées, celles qui permettent le flux d’informations approchent la saturation sous le triple effet de l’alourdissement des fichiers, de l’Internet mobile et du transfert vers Internet de médias nouveaux ou à « canaux autrefois séparés » (télévision, presse, visiophonie Skype par exemple).

Ensuite vient le danger de la « bordélisation ». Il est à la fois important que chacun puisse publier sur le web, mais il est sûrement assez utile d’y voir plus clair. Comment ? Je n’en sais rien. Wikipédia est l’exemple typique d’un web qui peut trouver, en progressant encore, la synthèse entre le contributif et le structuré. La mouture à venir des moteurs de recherche, dite « sémantique », pourrait aider à mettre de l’ordre « apparent » dans la Toile, fonction de la demande.

Un deuxième monde peut-il rester une jungle au nom de la liberté qu’il apporte ?

Ce monde numérique qui croise, dépasse le monde réel et interfère avec lui n’étant pas un idéal – il est aux mains des hommes, cela veut tout dire – peut-il rester en-dehors de toute régulation par le politique alors même qu’il en affecte les pouvoirs ? Quand l’argent, les idées, les produits culturels sont dématérialisés et leur circulation rendue instantanée, les systèmes légaux sont contournés, les frontières abolies, les Etats et les garanties qu’ils apportent à la vie en société sont affaiblis.

Par nature ou par structure, le cybermonde bouscule nos modes de régulation. Faut-il pour autant renoncer à lui en « imposer » une, se résigner à défaire sans en imaginer d’autres celles qu’il rend inopérantes ? Quel serait un « deuxième monde humain » sinon une jungle si on s’abstenait de le considérer comme un espace politique au même titre que le « monde palpable » ? La question est cruciale si on lit bien Jacques Attali, qui pense que l’heure est proche ou Internet deviendra un « 7ème continent » potentiellement hors-la-loi ou générant les siennes propres, dans lequel sinon les individus du moins les entreprises pourraient échapper définitivement aux souverainetés classiques.

En ce sens, après la régulation de l’économie, après l’état de la planète, l’infosphère est la troisième raison valable d’essayer de créer un embryon de démocratie mondiale. Elle sera d’ailleurs probablement l’instrument de son émergence et de son fonctionnement ultérieur en même temps que son objet d’action. Avec le web, les listes de mail, les réseaux sociaux, l’opinion mondiale s’est consolidée. Demain, la « réforme » mondiale sera peut-être possible.

Le mur et la poche, aboutissements matériels du « globalized way of life »

Terminons ce tour d’horizon par une intuition, largement facilitée par les évolutions les plus récentes. Après la convergence du format de « l’information » et celle, croissante, des réseaux utilisés, nous devrions assister prochainement à une convergence matérielle dans l’univers numérique. Les industries du secteur n’y ont pas forcément intérêt, préférant vendre plusieurs supports qu’un seul, mais la tendance me paraît forte.

Le bureau qu’est historiquement l’ordinateur, l’encyclopédie, l’annuaire, le téléphone, la console de jeux, l’agenda, le porte-monnaie, la télévision, la mémoire personnelle, l’appareil photo, le caméscope, le dictaphone, le lecteur MP3-MP4, le GPS, les clés de voiture, les livres, revues et autres journaux, ainsi qu’Internet et toutes ses applications, vont à mon sens continuer leur fusion mais vont le faire en évoluant vers 2 gabarits : le mur et la poche.

Les netbooks de 10 pouces, les moniteurs plats de 22 pouces et les écrans TV de 50 pouces de diagonale vont s’effacer, de même que le futur Kindle d’Amazon ou les liseuses électroniques sont morts-nés. L’infosphère devant être accessible dans le plus grand confort pour l’individu ou les « tribus », les matériels qui nous y relient vont « achever » leur adaptation à nos modes de vie, et calquer leurs dimensions sur les plus appropriées à l’usage nomade et à l’usage domestique. Dans le canapé du salon, avec clavier sur les genoux ou souris animée par la vue, nous regarderons un mur numérique fractionnable en différents médias. En-dehors de chez nous, pour ne pas gêner la marche rapide et rendre le voyage léger en bagage, notre deuxième monde tiendra tout entier dans une poche.

Fabrice MAUCCI

Publicité
Commentaires
D
Merci pour l'article c'est interessant
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité