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18 avril 2010

Penser global pour réformer les retraites (1/3 : sept autres manières d’entamer le débat)

Depuis quelques jours, et à un rythme qui ne permettra pas un débat national digne de ce nom, le gouvernement s’attèle officiellement à une réforme des retraites, à moins qu’il ne s’agisse plus prosaïquement de « s’attaquer aux retraites ». Sous prétexte de les sauver, cela va de soi.

Qu’il faille agir, et même réagir pour ne pas mettre en péril le système, est assez clair pour tout le monde. Il aurait surtout fallu anticiper – et de ce point de vue, on regrettera toujours que la longue séquence jospinienne (1997-2002) n’ait pas été l’occasion d’une réforme large, consensuelle et définitive.

1. Ne pas nous laisser enfermer dans le « triangle infernal » âge – pension – cotisation

Reste deux écueils de taille pour la discussion qui s’annonce. D’abord, il ne faudrait pas que les politiques et les médias ne restreignent le débat à une chose technique, à des équilibres comptables, alors qu’il s’agit aussi et oserai-je dire avant tout, de nos vies, des différents temps de nos vies, c’est-à-dire d’un point central du pacte social. Ensuite, il serait malhonnête de leur part qu’ils nous poussent à demeurer les yeux rivés sur les fameux trois curseurs présentés comme incontournables et indépassables pour régler le souci de financement des retraites : la durée de cotisation (ou l’âge légal de la retraite à taux plein, qui a le même effet mathématique), le montant des pensions, et le taux de cotisation. Nous ne devons surtout pas nous laisser enfermer dans un débat circonscrit à ce triangle infernal, alors que là n’est pas forcément la solution, et quoi qu’il arrive sûrement pas toute la solution.

2. Le vieillissement de la population : un prétexte facile ?

A l’appui des discours les plus réducteurs sur la réforme des retraites, vient toujours l’argument-massue du vieillissement de la population. Il a semble-t-il pour lui la force de l’évidence : avec l’allongement de la durée de vie ce n’est pas la durée de la carrière professionnelle mais bel et bien celle de la retraite qui s’est étirée, et à l’intérieur de cette « vie après le travail », grandit aussi le nombre moyen d’années de dépendance partielle ou totale, très coûteuses.

C’est vrai, mais pour l’essentiel la hausse d’espérance de vie est probablement derrière nous ! De 1948 à 2005, le régime général a encaissé sans déficit le passage d’une durée de vie de 65 à 80 ans, parallèlement à un abaissement de l’âge de départ à la retraite et à l’irruption d’un chômage de masse réducteur de recettes. Rien que ça !

Le problème de financement auquel nous nous heurtons de plein fouet depuis 2005 n’est donc pas structurel. Il est conjoncturel, et tient à la forme de notre pyramide des âges. Depuis 5-7 ans, les premiers baby-boomers ne financent plus le régime, ils en vivent. L’étranglement est réel, mais pas définitif. Dans 30-35 ans, la moitié de cette abondante génération aura vécu, et les nouveaux retraités seront issus des classes creuses des années 1970… que viendront financer notamment les cohortes nettement plus charnues nées entre 1995 et 2010 !

3. Des réalités rudes, mais des comparaisons internationales trompeuses

Malgré cela, et tout en gardant à l’idée qu’une longue retraite est un progrès avant d’être un problème, il faut admettre une certaine logique à travailler un peu plus dans certaines conditions lorsque la vie s’allonge. Il est par exemple difficilement concevable que la vie active, qui finance son « avant » (l’âge de la formation) et son « après » (l’âge de la retraite) ainsi que l’essentiel des solidarités, ne soit pas au moins aussi longue que les deux autres périodes de la vie réunies. Aujourd’hui la vie active commence en moyenne à 22 ans, pour une existence longue de 77 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes. Dans un tel cadre, l’évocation des « 61 ou 62 ans » par Martine Aubry n’est pas hors-sujet.

La comparaison avec les pays voisins qui ont tous ou presque allongé l’âge légal à 65 voire 67 ans paraît également marquer une tendance inéluctable. Cependant, bon nombre de ces pays ont depuis 20 ans une fécondité en berne (1,2 enfant par femme contre 2 pour nous), et ont par conséquent à relever un défi plus dur que le nôtre, pour une durée probablement plus longue, ce qui explique mieux leurs mesures même si elles traitent ici le symptôme et non le mal.

La Gauche peut éviter le piège de ces comparaisons trompeuses. Mais ce ne doit pas être pour tomber dans celui qui consisterait à n’accepter un (net) recul de l’âge de la retraite qu’à la condition d’une amélioration de l’emploi des seniors et à une modulation selon la pénibilité du travail. Car ici piège il y a.

4. Pénibilité, emploi des seniors : de vrais problèmes, de fausses solutions ?

Commençons par la pénibilité. Evidemment il faut en tenir compte, statistiques démographiques et sanitaires à l’appui pour démontrer quels métiers « méritent » une dérogation à la règle générale et dans quelles proportions. C’est indispensable pour toutes les personnes dont la carrière est déjà significativement entamée.

Mais il est toujours difficile de trancher entre des degrés ou des types de pénibilité, et surtout très urgent de réduire « à la source » cette pénibilité, pour qu’un emploi ne soit jamais synonyme de dégradation accélérée de la santé ou de l’espérance de vie. Il ne s’agit pas, pour « après-demain », d’aménager des fins de carrière « adoucies » mais bel et bien de faire évoluer les postes, les rythmes et les conditions de travail pour parvenir à une pénibilité réduite pour tous, ce qui voudra aussi dire équivalente pour tous. Dans les négociations de ce printemps il faudra donc certes tenir compte des « pénibilités déjà endurées » mais surtout faire en sorte que ce débat n’ait un jour plus aucun sens !

La quête d’un meilleur taux d’emploi des seniors cache un bien plus gros lézard. Compte tenu de la mode – générale, détestable, et très accentuée en France – qui consiste à mettre au panier les salariés de plus de 45-50 ans, le moindre report de l’âge de la retraite fait effectivement peser un risque particulier sur les seniors : une inactivité de fin de carrière prolongée, des fins de droit au chômage, une baisse de leur pension future.

Cependant, lorsqu’aujourd’hui un senior est débarqué puis en douce remplacé par un plus jeune, c’est certes une manière de faire des économies substantielles pour les entreprises mais cela reste un moteur de l’accès des jeunes à certains emplois. Le problème est qu’au lieu de s’effectuer à l’âge de la retraite, cette rotation s’opère 5 à 10 ans trop tôt dans la carrière. Qu’est-ce qui le permet ? Le chômage global bien sûr, et celui des jeunes en particulier.

Souligner cela montre à quel point il ne faut pas verser de nouveau dans une politique d’emploi trop ciblée. Si certains lobbies patronaux demandent une action spécifique, c’est qu’ils ne seraient pas contre une « prime seniors » substantielle tout en gardant à court terme des effectifs globaux stables. Il y aurait alors un colossal effet d’aubaine, une énième ponction d’argent public sans autre contrepartie réelle… qu’une augmentation significative du chômage des jeunes !

5. L’immigration, remède ou mirage ?

L’immigration est fréquemment présentée comme un remède à notre souci de financement des retraites. Elle participe en effet au gonflement du centre de notre pyramide des âges et rééquilibre a priori le rapport du nombre des actifs à celui des retraités. Comme il est probable que ces immigrés aient des enfants en France ou les y fassent venir, leur arrivée ne déséquilibre pas en revanche la base (ni l’avenir) de cette pyramide. L’hypothèse apparait séduisante.

Pour que l’avantage soit réel, il faut néanmoins que ces immigrés trouvent ici rapidement de l’emploi et des revenus, dans les mêmes proportions que les actifs déjà présents sur le territoire. Ce n’est qu’à cette condition que leurs cotisations et leur consommation viendront effectivement renforcer notre système social et fiscal. Est-ce le cas des vagues d’immigration les plus récentes, souvent mieux formées ? Il serait intéressant de le savoir en tout cas, car c’est un élément déterminant.


Mais attention, si nous comptons demain sur une immigration massive comme levier principal du financement des retraites, il faudra prévoir 3 à 5 millions d’arrivées légales dès les 10 ou 12 prochaines années, soit un flux que la France n’a jamais connu, encore moins en période de stagnation économique. Doublant le nombre d’étrangers en moins d’une génération, une telle situation exigerait un effort colossal de notre société et de ces migrants en matière « d’intégration mutuelle », ce à quoi nous, les « accueillants », ne sommes visiblement pas tous prêts.

A défaut d’immigration massive, à laquelle des pays peu féconds comme l’Italie ou l’Espagne ont déjà dû se résoudre et pour longtemps, la France peut au moins cesser de fabriquer de la statistique et de l’humiliation à ses frontières, et travailler son modèle d’intégration pour laisser croître en douceur, notamment au gré des circonstances économiques, le nombre de migrants légaux annuels qui plafonne aujourd’hui à 90000 (ce qui, gardons-le à l’esprit, pèse 3,5 fois moins que notre excédent de naissances sur les décès dans l’augmentation de notre population). Mais ce savant dosage dont il semble que nous ayons besoin socialement, culturellement et économiquement pour digérer l’immigration, nous contraindrait bien sûr à envisager d’autres remèdes pour nos retraites. 

6. Et si repousser loin la retraite était une gigantesque nuisance à la société française ?

Confortés par leurs dogmes et leurs statistiques internationales, ceux qui le plus souvent clament le caractère incontournable du recul de l’âge de la retraite, semblent pourtant méconnaître la société française dans les grandes profondeurs. Ils oublient vite ce qu’une telle mesure changerait à la vie des Français, et pas seulement en termes de « qualité » ou de « confort » vaguement superficiels.

Ils nous poussent d’abord à revenir sur un acquis plutôt récent, disons vieux d’une vingtaine d’années tout au plus : le droit de vivre un temps de retraite « en (relative) pleine forme », de « profiter » de la retraite pour s’épanouir, faire ce qu’on n’a pas eu le temps ou les moyens de faire plus tôt – faute peut-être d’une tout autre organisation des temps de la vie. Travailler 5 ou 7 ans de plus, c’est réduire à sa plus simple expression cette « retraite heureuse », cet âge senior si valorisé aujourd’hui. C’est encore, dans un pays où le tourisme intérieur pèse à lui seul quelques points de PIB, affaiblir à coup sûr un tissu d’entreprises et d’emplois non-délocalisables, car ces jeunes retraités bougent beaucoup dans l’hexagone.

C’est ignorer combien les Français – et d’autres – l’attendent cette nouvelle période de vie à part entière, combien elle peut les motiver et les aider à franchir un cap difficile durant la fin de carrière professionnelle. Travailler 5 ou 7 ans de plus, c’est donc revenir en arrière, se poser de nouveaux défis en matière d’efficacité au travail, de formation et d’adaptation des postes, et par-dessus le marché c’est abîmer les perspectives de réalisation de chacun, flinguer le moral des troupes. Mais ce n’est pas tout.

Aujourd’hui, nous ne sommes qu’au commencement du gigantesque défi du grand âge, et les structures d’accueil pour les personnes dépendantes de 85 à 105 ans manquent et manqueront davantage encore dans 5, 10 ou 15 ans. Qui pallie ces faiblesses actuellement en étant parfois très largement présents auprès de leurs parents très âgés ? Les jeunes retraités de 60-67 ans.

La France s’enorgueillit d’avoir la meilleure fécondité d’Europe, ce qui lui garantit pour l’avenir un minimum de dynamisme économique, et au passage une atténuation future des problèmes de financement des dépenses sociales, médicales… ou de retraite ! Si nous en sommes là, c’est évidemment grâce aux prestations de la CAF, au réseau de plus en plus fin des systèmes de garde et d’éveil des tout-petits, grâce aux mesures de congé parental, ou encore à l’existence d’une école maternelle gratuite qui ouvre ses portes – jusqu’à maintenant – à tous les enfants de 3 ans. Mais cela ne suffit pas. En regardant de près les sorties d’école ou l’identité des « nounous », on comprend que les jeunes ménages français reçoivent un soutien quasi-généralisé des jeunes grands-parents, quand ils sont géographiquement proches et jeunes retraités. L’équilibre démographique de la France, l’emploi des papas et des mamans, le pouvoir d’achat de jeunes ménages nécessairement consommateurs, reposent sur cette disponibilité des seniors. Qu’en sera-t-il demain ? Provoquera-t-on une baisse de la natalité ? Une embauche massive de nounous contre une flambée des impôts locaux et une chute vertigineuse du pouvoir d’achat des trentenaires ?

Enfin, si la France n’est pas un désert social ou une jungle, c’est parce que nombre de nos compatriotes s’investissent dans le tissu associatif humanitaire, culturel ou sportif, et qu’un demi-million d’entre eux acceptent de se mettre au service des autres en occupant un mandat politique local. Dans quelle tranche d’âge sont-ils le plus représentés ? 60-70 ans. Et pourquoi ? Parce qu’ils en ont « enfin le temps ». A-t-on tenu compte de cette réalité-là avant de parler de repousser l’âge de la retraite ?

7. La propriété du logement, grand déterminant du niveau de vie des retraités

Avant d’en venir aux pistes de remèdes touchant directement au système de retraite, il est urgent de rappeler que la plus grande inégalité devant la retraite, y compris entre des retraités percevant une pension comparable, c’est celle qui sépare ceux que la vie active – aidée ou non par l’héritage – a faits propriétaires de leur logement, et ceux qui jusqu’au bout devront payer leur toit chaque mois. Actuellement, les pensions les plus faibles sont « serrées » mais socialement (tout juste)acceptables pour les premiers, scandaleusement misérables pour les seconds. Et la réforme à venir, telle que la Droite la souhaite, pourrait aggraver cette situation.

C’est pourquoi le débat sur les retraites devrait être indissociable d’un débat sur la propriété du logement. Puisque l’avenir n’est pas radieux concernant le montant des pensions futures, faisons en sorte – la Gauche devrait avoir cette ambition – que les Français soient rapidement et très largement un peuple de propriétaires, ce que ne sont pas 43% d'entre eux. Nous serions ainsi tous garantis d’avoir le minimum vital au moment de la retraite.

Ne nous trompons pas. Il ne s’agit pas de trouver des combines douteuses pour flanquer un prêt immobilier à des ménages insolvables : les USA ont montré le danger avec leurs « subprimes ». Il ne s’agit pas non plus d’inventer de nouveaux produits financiers qui feraient des Français des débiteurs sur 35 ou 40 ans à l’avantage unique des pourvoyeurs de crédit.

Ce qui est anormal dans notre pays comme dans bien d’autres, c’est qu’un bien fondamental – le logement – soit devenu une cible privilégiée de la spéculation – « la pierre » – au point qu’un appartement ou une maison soit un des seuls biens qui prennent de la valeur en s’abîmant… En 15 ans, le prix des logements a doublé dans la plupart des villes françaises. Sans que les médias ni les politiques ne voient cette folle évolution comme une entrave au pouvoir d’achat, à la sacro-sainte croissance ou à l’emploi, alors qu’il s’agit là d’un puissant moteur de concentration de richesses sans effort, et un véritable étouffoir économique. Pour « sécuriser les petites retraites », il faut certes aider les Français à devenir propriétaires, mais purement et simplement par la baisse du coût du logement, que ce soit à l’achat ou à la location. Dans ce dernier cas, la baisse des loyers permettrait d’épargner en vue d’une acquisition… ou de surcotiser pour sa retraite personnelle.

Attaquons-nous à un tel chantier, en interdisant l’inoccupation des logements ou de locaux utilisables comme des logements, en impliquant davantage les collectivités locales dans la remise en état et sur le marché locatif de logements vacants et/ou vétustes, et en inventant un système de taxation des plus-values foncières et immobilières très dissuasif qui financerait par ailleurs des constructions ou des réhabilitations. L'offre grimpant, la bulle crèverait vite. Ajoutons l’obligation pour les bailleurs sociaux de proposer une option d’achat à divers moments de la vie locative (dégressive avec le temps), et une large fraction de la population pourrait accéder à cette sécurité qu’est la propriété de son logement.

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