Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Pour le parti du Progrès
Newsletter
Pour le parti du Progrès
  • Ce blog est une plateforme appelant à recomposer la Gauche démocratique en France et en Europe, autour d'un projet de transformation du monde suffisamment innovant pour être à la fois très ambitieux et réalisable.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
27 janvier 2010

Réforme du lycée : croire le contraire de ce qu’on vous dit

Est-ce la réforme qui est plébiscitée ou sa présentation ?

A en croire les sondages, 76% des Français sont d’accord avec la réforme du lycée présentée en deux temps par Nicolas Sarkozy puis Luc Châtel. Plusieurs organes de presse ont qualifié ce score de « plébiscite » pour le ministre, ce qui est parfaitement exact dans une « démocratie d’opinion ». Pourtant, au sein des équipes enseignantes et de direction de ces mêmes lycées, c’est plutôt la consternation, la révolte et la crainte qui dominent. La dernière grève du 21 janvier a d’ailleurs, si on limite le regard à ces établissements là, été bien suivie : 40 à 50% des professeurs se sont mobilisés malgré les ponctions salariales importantes, l’impression pour certains que tout est déjà « plié », et la volonté de ne pas léser les élèves par des annulations de cours.

Cet écart d’appréciation béant ne relève pas d’une divergence de jugement. Il tient pour l’essentiel à un écart non moins énorme d’information entre les familles d’une part, et les enseignants de lycée d’autre part. Les Français parents ou grands-parents d’élèves d’école primaire, de collège ou d’étudiants ne peuvent en effet qu’être d’accord avec une réforme qui nous est annoncée comme visant à « mieux orienter », « mieux accompagner chaque lycéen » ou encore « mieux adapter le lycée à son époque ». De la même manière, la création de « stages passerelles », le « renforcement de l’Histoire-Géographie dans le cycle terminal » et surtout la mise en place de « deux heures hebdomadaires d’accompagnement personnalisé » n’ont pu que séduire ou rassurer.

La méthode du contre-pied absolu

Le problème majeur est que nous nous trouvons ici devant un mensonge généralisé et délibéré. Rien moins.

C’est d’ailleurs symptomatique d’une évolution de la communication politique à droite. Auparavant, défendre un projet revenait à insister lourdement sur ses bons côtés et minimiser ou omettre ce qui n’avait pas été (ou insuffisamment) traité. Désormais, pour neutraliser la critique, on utilise les plus grosses ficelles. On détruit si fort que l’opposition ne pourra qu’être caricaturale, et on annonce le contraire de ce qu’on fait pour satisfaire l’opinion. Cette dernière, prise entre deux discours diamétralement opposés, ne saura plus trouver seule la vérité, renverra dos à dos les deux camps et cessera de s’intéresser au sujet en concluant qu’au final les changements ne seront probablement ni formidables ni trop mauvais.

Ajoutez à cela :

-         que le pire se situe dans des détails techniques incompréhensibles par les non-initiés,

-         une reculade d’un an et la rédaction d’un rapport Descoings « d’apaisement » pour éteindre le feu allumé sous Darcos,

-         puis une accélération-précipitation qui ne permet plus de distinguer le projet de la décision finale et met finalement les personnels de l’éducation devant le fait accompli,

et vous avez un fidèle aperçu d’une méthode qui marche. Politiquement s’entend. Car sur le fond, derrière de beaux libellés et des pistes parfois intéressantes, cette « réforme » cache une petite bombe qu’il convient de traduire.

Un plus grand soutien aux élèves en difficulté ? Une meilleure préparation à l’enseignement supérieur ?

Ainsi en va-t-il de la grande nouveauté du lycée version Châtel, la présence à l’emploi du temps de tous les élèves de deux heures hebdomadaires d’accompagnement « personnalisé » (AP). Cette mesure a sans doute été vue par de nombreuses familles comme l’arme anti-échec par excellence, ou encore un substitut aux très coûteux et très aléatoires cours particuliers. Si tailler des croupières à Acadomia et renforcer le service public aurait eu l’assentiment de nombreux professeurs, ce n’est pas exactement ce qui se trame derrière l‘AP.

En effet, pour offrir ces 2 heures par élève, le ministère a amputé 4 matières d’une demi-heure de cours en Seconde, et fera de même en 2011 et 2012 pour l’extension du dispositif en Première et Terminale. Qui plus est, comme cet accompagnement ne peut être un minimum « personnalisé » qu’en scindant les classes de 35-36 élèves en au moins deux groupes (éventuellement asymétriques et évolutifs) et que la dotation en heures des lycées ne l’a pas prévu, il faudra parallèlement rogner sur l’existant, en supprimant certains enseignements comme les Arts Plastiques, le Latin ou les 3èmes langues vivantes, et en réduisant fortement le nombre d’heures de cours dispensées en petits groupes. Il y aura donc demain moins d’options, davantage de classes de langues à effectif énorme, suppression de certains « modules » (cours d’une heure en demi-classes toutes les semaines en Maths, toutes les deux semaines en Science éco, Français, Histoire-Géographie etc.) centrés sur les savoir-faire, les travaux personnels et la méthodologie, et réduction du nombre ou de la durée des séquences des « travaux pratiques » de sciences.

Autrement dit, pour « mieux accompagner », on diminue le nombre de moments dans l’année où l’apprentissage est le plus concret et au cours desquels s’acquiert et se construit l’autonomie qui sera exigée à l’université. Certes, une partie des séquences méthodologiques basculera sur l’horaire d’accompagnement personnalisé, mais sans la répétition ni l’application à des cas concrets de chaque matière telles qu’elles existent actuellement. La théorie va l’emporter sur la pratique.

Quant au soutien aux élèves en difficulté, en Mathématiques et Français notamment, il ne pourra pas se faire avec de très petits effectifs ou alors très ponctuellement, sauf à dévorer la totalité des heures de dédoublement disciplinaire. Où est le progrès ? Nulle part, c’est même une régression qui se produit. Jusqu’à présent, une « aide individualisée » à effectif très étriqué existait en Français et en Mathématiques EN PLUS de l’emploi du temps, à raison d’une, ou plus souvent deux heures par semaine. Demain, l’Accompagnement Personnalisé d’horaire équivalent sera inclus DANS l’emploi du temps, supprimant 2 heures hebdomadaires soit 7% de cours à tous les niveaux du lycée (216 heures d’enseignement en 3 ans !), et bourrant les effectifs aux autres moments de la semaine. Tout cela alors que les exigences du Supérieur, elles, n’auront pas bougé. Pire, la part de l’AP réellement consacrée aux élèves fragiles risque d’être restreinte par les autres missions données à cette tranche horaire.

Une orientation mieux travaillée ?

Une partie significative des 2h d’AP doit en effet être consacrée à « l’approfondissement culturel » et à des « travaux interdisciplinaires » (semblables aux TPE de 1ère dont l’avenir est pourtant menacé), mais aussi à la « découverte des parcours d’orientation » possibles et à « l’élaboration du projet d’orientation » des élèves. Il est évidemment positif que ce genre d’activités soit officiellement inscrit dans les missions du lycée dès la Seconde, même si dans tous les établissements, des professeurs se démènent déjà pour organiser des visites d’entreprises sur ou hors temps scolaire. Il est plus étonnant de voir cette mission grignoter désormais une part d’un Accompagnement Personnalisé déjà fort rempli, alors que les professeurs principaux pouvaient jusque là consacrer 5 à 6 de leurs 10 heures annuelles de « vie de classe » à des recherches ou des rencontres sur l’orientation.

Derrière cette nouveauté, l’inquiétude majeure et légitime des enseignants est qu’on leur confie totalement, d’ici 2 ou 3 ans, la mission d’information des élèves sur l’orientation. Cette tendance est, par contrainte, déjà enclenchée puisque les Conseillers d’Orientation Psychologues (CO-Psy), au nombre de 18000 il y a 20 ans, ne sont plus que 3000. L’Etat, qui avait tenté il y a quelques années de les transférer aux régions, cherche visiblement à éteindre ce corps au plus vite. Il a d’ailleurs entrepris ces derniers mois une remarquable modernisation et une dématérialisation réussie des supports d’information à l’orientation, qui doivent selon lui permettre une moindre sollicitation des CO-Psy puisque les élèves « n’ont plus qu’à surfer sur le site web de l’ONISEP » pour trouver des réponses et faire émerger leur projet.

Ce que l’Etat oublie, c’est que le questionnement sur les goûts, les motivations et la personnalité de l’élève, la dimension psychologique des vœux ou de l’accueil des propositions d’orientation, la connaissance fine des exigences de chaque filière ou de chaque établissement, des conditions et probabilités de sélection, des débouchés et de la santé des entreprises du secteur, la comparaison précoce et objective des résultats de l’élève et des objectifs visés, sont autant d’impératifs et de compétences qui ne sont ni numérisables ni transférables (à qualité équivalente) à des professeurs dont ce n’est pas le métier. Dans un tel contexte, « mieux orienter » s’avère être une promesse mensongère de la réforme Châtel, et une manipulation de l’opinion d’autant plus grave qu’elle s’applique à un aspect stratégique du parcours des jeunes.

Des filières rééquilibrées ?

Un autre grand bobard gouvernemental consiste à affirmer que la réforme actuelle entraînera le « rééquilibrage des filières » qui mènent au baccalauréat, évitant ainsi l’obsession puis l’engorgement de la série S. C’est en réalité tout le contraire qui risque de se passer. Pour éviter que des élèves de Seconde peu solides en Maths et en Sciences ne se dirigent vers la filière scientifique pour de mauvaises raisons liées aux représentations et volontés des familles ou des établissements du Supérieur, il aurait probablement fallu faire les trois choix suivants :

-          « affirmer » le caractère et les exigences propres de chaque filière de manière pertinente, notamment S,

-          conserver dans les filières autres que S, et jusqu’au bac, un minimum de pratique mathématique pour correspondre aux nécessités universitaires et professionnelles,

-          faire en sorte que les matières-clés de chaque filière soient toutes largement explorées en Seconde pour que tous les choix d’orientation soient effectués en connaissance de cause.

Or on s’apprête à faire tout le contraire. Tout d’abord, on « déspécialise » la classe de Première, avec 60% des enseignements inclus dans un tronc commun aux filières L, S et ES. Officiellement, on cherche ainsi à organiser la réversibilité du choix d’orientation. Officieusement, cela permet de mélanger des classes de filières différentes, de faire grimper les effectifs au maximum et réduire ainsi les coûts. Les heures de Français et de langues baissent en L, celles de Sciences éco fondent en ES et celles de Maths et Sciences dégonflent en S… et ce toujours à exigences constantes des formations post-bac. Seule la disparition de l’Histoire-Géographie en Terminale S peut donner l’illusion d’une spécialisation assumée, mais elle est tellement aberrante d’un point de vue citoyen (et de la réversibilité des choix d’orientation !) qu’elle paraît plus négative qu’autre chose.

Ensuite, il est curieux d’observer qu’en nombre total d’heures de cours, le « rééquilibrage » annoncé se traduit ainsi : en Terminale, les élèves de S auront 1h de cours de plus que les ES et 1h30 de plus que les L ! L’ajout à la filière littéraire de cours sur la « littérature en langue étrangère » – au libellé sentant plus la naphtaline que la pratique appliquée à l’économie, la société et la culture actuelles – et d’un enseignement hybride sur le « droit et les grands enjeux du monde contemporain » – OK pour le droit mais pourquoi les ES n’auraient-il pas droit aux grands enjeux – n’y suffit donc pas.

La présentation en Seconde des enseignements-clés de chaque filière demeure enfin presque aussi déséquilibrée qu’aujourd’hui.

-          Alors que la filière S est la seule à avoir toutes ses matières fortes de Terminale dans le tronc commun de Seconde, la réforme ajoute un enseignement d’exploration « méthodes et pratiques scientifiques », sensé être concret mais déconnecté de chacune des 2 disciplines que sont les Maths, les Sciences de la Vie et de la Terre, et la Physique-Chimie.

-          La filière ES se voit elle aussi dotée d’un enseignement d’exploration de « Sciences Economiques et Sociales » en Seconde. Mais son contenu – on le verra plus loin – subit une telle dégradation qu’il risque de rebuter pas mal d’élèves, et cet enseignement « sociétal » se trouve désormais, pour des raisons de dénomination, en « concurrence floue » avec celui baptisé « Principes fondamentaux de l’Economie et de la Gestion » ouvrant davantage sur la filière STG et les métiers du commerce, de la gestion, de la vente et du marketing.

-          La Philosophie, mastodonte coefficienté 7 au bac L, est quant à elle toujours absente de la Première L, et sa présence risque d’être symbolique dans les enseignements exploratoires de Seconde. Tout juste pourra-t-elle faire une apparition furtive dans un nouveau fourre-tout baptisé « Littérature et Société », qui bien que séduisant semble en partie redondant par rapport à ce qu’on étudie en Français, et dont la cohérence sera difficile à trouver puisque les professeurs de Lettres, d’Histoire et d’Economie pourront tous y intervenir…

Une plus grande liberté de choix pour les élèves ?

Le dernier détail qui risque d’aggraver l’embouteillage en Première S est un des éléments de la réforme présentés comme donnant une « plus grande liberté de choix » aux élèves. Il s’agit des « stages passerelles », dont les modalités ne sont pour l’instant absolument pas cadrées, mais qui permettraient à des élèves de quitter en cours ou en fin d’année de Première la filière initialement choisie sans redoubler, en échange de la simple participation (sans évaluation) à un de ces stages, probablement organisés pendant les congés scolaires. Outre qu’il parie sur la capacité des profs et des élèves à parcourir en 1 ou 2 semaines l’équivalent d’un à trois trimestres de leçons et d’exercices de la filière de recours, ce système va rassurer – et non dissuader – les élèves de Seconde un peu légers en Maths et Sciences. Dans le doute, ils tenteront tous « S » pour les raisons qui y amènent déjà une petite moitié d’entre eux ; ils le feront « pour voir », quitte à envisager très tôt un changement de parcours. La cerise sur le gâteau serait que devant la demande, les établissements ne trouvent pas le personnel suffisant pour assurer ces stages ou ne parviennent pas à gérer en postes de profs, en emploi du temps et en locaux les variations successives d’effectifs entre filières au sein d’une même année scolaire. 

Toujours en matière de « libre choix » (voilà un « dada » qui facilite la « vente » de la réforme à l’opinion), notons que tous les enseignements exploratoires annoncés pour la Seconde dans les belles brochures distribuées aux actuels élèves de Troisième ne seront pas disponibles dans tous les établissements, faute de moyens ou du fait de contraintes matérielles (emplois du temps, repas de midi incompressible, manque de salles spécialisées etc.). Les filières et les options varient déjà d’un établissement à l’autre, mais désormais ce sera dans le corps même des enseignements obligatoires de Seconde que des différences existeront : évitez donc les déménagements en pleine année scolaire !

Par ailleurs, les élèves de Seconde devront opter pour 2 enseignements d’exploration (EEX) en Seconde parmi un panel moyen de 4 proposés par leur lycée : sur quoi baseront-ils cette pré-sélection puisqu’ils n’auront pas exploré ces domaines auparavant ? Le « libre choix » ne sera-t-il pas, comme avec les actuels enseignements de « détermination », de nouveau biaisé et fondé sur des rumeurs et  les avantages supposés de l’un ou de l’autre EEX en vue de telle ou telle filière ?

Que dire également de la perte de lisibilité de l’EEX devant théoriquement mener aux métiers du commerce, du marketing et de la gestion d’entreprise (IGC devenu PEFG) et de l’absence totale, alors que la Seconde peut (doit) être une année de réflexion sur les métiers et l’orientation, d’enseignements d’exploration des métiers industriels et des secteurs de la santé et du social ? Le baccalauréat STG avait pourtant été réformé pour devenir une filière choisie en connaissance de cause par les élèves, et les filières STI et surtout ST2S, ont-elles clairement vocation à recruter aussi en fin de Seconde (2nde officiellement « générale et technologique ») compte tenu de l’élévation du niveau et/ou des besoins requis dans les professions sur lesquelles ils débouchent.

Des cours plus en phase avec le monde actuel ? Une plus grande ouverture ?

Avant d’aborder la motivation principale de la réforme, revenons sur une autre de ses contradictions majeures, laquelle cache sans doute une détestable arrière-pensée politique. Tout le monde le reconnaît, le lycée est aussi une « fabrique du citoyen ». Il accueille des adolescents et les forme jusqu’à l’âge de la citoyenneté de plein exercice, celui du droit de vote, mais aussi des responsabilités individuelles et collectives propres à chaque adulte.

Dans cette perspective, le gouvernement annonce davantage d’influence pour les instances lycéennes et la valorisation de l’engagement et du bénévolat. Le débat va s’ouvrir sur le premier point, mais il s’annonce déjà ardu sur le second. Le lycée, les équipes enseignantes, auront-ils à tenir compte de ce que fait un élève à l’extérieur du lycée ? A-t-on le droit de valoriser une action « visible », dans un cadre associatif au sein duquel il aura fallu préalablement cotiser, au détriment d’un comportement quotidien respectueux et soucieux des autres ou de la planète sans autre forme d’engagement ?

Ces questions restent en suspens, mais ce qui est sûr c’est que ce volet citoyen est une énième poudre aux yeux qui cache de bien plus gros lézards sur le même sujet. Que cela leur plaise ou non, Nicolas Sarkozy et ses sbires savent que nous sommes à une date charnière et face à des défis multiples. Nous vivons un moment où les enjeux écologiques, économiques et sociaux deviennent planétaires. Nos seules perspectives d’emploi – dans les pays « riches » – résident dans la relation aux autres et les applications scientifiques. Nous sommes à un instant où la faillite des marchés sans contrôle rappelle le besoin d’action collective. Notre époque menace d’être celle du repli ethnique au lieu d’être celle des échanges culturels et de la compréhension mutuelle. Et dans un tel contexte, voici les arbitrages très orientés sur lesquels on bâtit le « nouveau lycée ». C’est édifiant :

-          des horaires de Sciences, d’Economie et de langues vivantes qui diminuent (4 heures hebdomadaires pour 2 langues en Terminale !),

-          des travaux pratiques de Sciences de la Vie et de la Terre qui sont menacés,

-          en Seconde, le remplacement des cours d’Economie sur le chômage et l’emploi, les revenus et les inégalités, par des chapitres techniques sur la fixation des prix et l’épargne, et plus généralement la disparition de toutes les questions de société,

-          la suppression des sciences politiques en filière ES,

-          la disparition de l’Histoire-Géographie en Terminale S (reste une option probablement peu prisée),

-          en Histoire, le survol en une année de Première de tout le vingtième siècle, ce qui rend impossible l’approfondissement et la réflexion sur des périodes cruciales pour la formation de citoyens responsables et éclairés,

-          pour l’ensemble des filières et sur tout le lycée, la suppression de la géographie de la mondialisation et des pays émergents !

-          en Seconde, le remplacement de chapitres d’Histoire éclairants sur le monde actuel (démocratie athénienne du 5ème siècle avant JC ; le 12ème siècle méditerranéen avec des religions qui s’affrontent en Croisades mais se transmettent dans le même temps des savoirs et des arts) par des approfondissements inutiles au lycée (les civilisations celtes, la Chine médiévale).

S’il fallait une preuve que la droite française cherche aujourd’hui à manipuler les esprits et à réduire ce qui reste de conscience citoyenne, en voilà une sur mesure. A travers la réforme du lycée, l’école est ici clairement menacée de ne plus parler des sujets qui fâchent ou instruisent sur le monde tel qu’il est, pour ainsi confier les cerveaux des générations futures aux seuls gros médias déjà sous tutelle des puissances de l’argent.

Le mépris du professeur comme cadre de pensée, celui de l’élève comme conséquence

Un tel traitement du lycée peut donc s’expliquer par une volonté délibérée de dévier de sa mission et de saborder à petit feu, sans que cela ne se voie trop, l’outil de formation de la masse des citoyens. Evidemment, ce que cette réforme refuse d’admettre mais qu’elle recherche aussi à travers sa philosophie générale, ce sont des économies budgétaires massives. Et pour y parvenir, on ne fait pas que manipuler l’opinion. On compte aussi sur elle et sur ses préjugés à l’égard des professeurs pour ne pas être sensible au traitement qu’à travers la réforme, on leur réserve… et à travers eux, qu’on réserve aux lycéens de demain.   

Car le mensonge se double ici du mépris le plus complet vis-à-vis des professeurs du Secondaire. Démonstration.

Alors que de nouveaux enseignements apparaissent et que le gouvernement clame que la réforme se fera « à moyens constants », les lycées ont tous reçu pour l’an prochain des dotations horaires à la baisse. Qui plus est, au sein de ces dotations, on exige de réduire le nombre d’heures attachées à des postes et d’augmenter le nombre d’heures supplémentaires. En l’état, cela devrait aboutir à la suppression de 2 à 3% des postes de titulaires rien que pour la rentrée 2010, et probablement autant en 2011 puis 2012, après que 45000 emplois d’enseignants aient été supprimés dans le Secondaire entre 2003 et 2009 ! Cela se fera par non-remplacement des départs en retraite, mais aussi obligation à certains professeurs d’assurer des heures supplémentaires non-souhaitées, et à d’autres qui perdront tout ou partie de leur poste, celle d’effectuer leur service sur deux ou trois établissements. Un traitement de cheval qui ne pourra pas être sans conséquences sur les effectifs de classes (qui par endroits pourraient grimper à 38-40 élèves), et plus généralement sur la qualité de l’enseignement.

Cette attaque est évidemment fondée sur le préjugé bien connu selon lequel les enseignants travailleraient moins que les autres. Un article entier serait nécessaire pour prouver à la minute près que cela est faux, et que la plupart des critiques émanent de gens qui confondent temps devant les élèves et temps de travail total. Un professeur se documente, prépare, améliore et refait ses cours et ses évaluations au gré des changements de programme et de manuels, prépare du matériel, corrige ses copies, remplit des bulletins et participe à des conseils de classe, assiste à des réunions avec les parents ou les élèves, prépare des projets et des voyages scolaires, et travaille de plus en plus souvent en équipe. Annuellement, son temps de travail oscille entre 1700 et 1800 heures contre 1559 h en moyenne nationale. Autrement dit, les vacances sont longues mais surtout pour les élèves, et contrairement à bien d’autres, les profs n’ont guère de soirées et de week-ends.

Dans l’esprit de ceux qui nous dirigent, cela ne compte pas Les enseignants peuvent globalement « travailler plus » même si la plupart d’entre eux ne le veulent pas, y compris pour « gagner plus ». Non pas que leur salaire soit toujours satisfaisant (un titulaire du CAPES débute à 1250€ mensuels, 1,2 fois le SMIC pour un BAC+5 dans un service de l’Etat, et les milieux de carrière ont perdu 17% de leur pouvoir d’achat depuis 1980), mais parce qu’ils ont bien conscience de ne pas pouvoir en faire beaucoup plus sans dégrader une partie de leur investissement au profit des élèves. Pour l’Etat, le calcul est tout autre : l’Education Nationale est un des très rares domaines d’activité où les heures supplémentaires sont moins bien payées que les heures de base.

La réforme du lycée n’est par ailleurs pas franchement conforme au dogme sarkozyste du « travailler plus pour gagner plus ». Elle va instituer pour de bon un « conseil pédagogique » pour planifier les tâches interdisciplinaires nouvelles, une mission très prenante mais aucunement rémunérée. Elle créé un « tutorat » de certains élèves par des professeurs sans mentionner la moindre obole pour cette charge totalement nouvelle. Les stages de remise à niveau et les stages passerelle existeront officiellement dans 21 mois et on n’a pas la plus petite idée sur les obligations qui en découleront pour les professeurs sur le temps de « vacances » ni évidemment sur leur contrepartie salariale.

Même la structure pédagogique interne du lycée semble avoir été modifiée sur des critères budgétaires. La diminution des horaires disciplinaires, et surtout la construction d’un large tronc commun en première, permettent de réduire le nombre de professeurs effectuant plus de 6 heures dans deux classes de 1ère et/ou Terminale à contenus différents. Quel rapport avec les dépenses de l’Etat ? Actuellement, ces enseignants préparant des cours plus denses et corrigeant des devoirs plus longs touchent une compensation d’un montant équivalent à une heure supplémentaire. Demain, à travail égal, une moitié d’entre eux perdra donc 68 à 125€ par mois ! Le fait de traiter l’orientation durant l’accompagnement personnalisé pourrait aussi déboucher sur la suppression de l’indemnité de professeur principal, d’un montant de 73 à 133€ mensuels. Le discours du président de la République rappelant qu’il souhaite « moins de fonctionnaires mais mieux payés » n’est donc qu’un leurre, destiné à diviser les personnels et endormir l’opinion.

Professeur, un métier sans cesse dévalorisé, bientôt défonctionnarisé

Le mépris sans borne à l’égard des professeurs du Secondaire va cependant bien au-delà de l’aspect financier.

La réforme Châtel s’est faite sans écouter une seule minute ce que pouvaient avoir à dire et suggérer ceux qui font le lycée au quotidien. Les programmes des matières touchées ou créées par la réforme ont été mis en ligne sur le site Eduscol le 27 janvier sans concertation préalable, et il n’est pas franchement certain que les amendements proposés par les enseignants via le web soient lus. Certains de ces programmes demeurent même inconnus sept mois avant la prochaine rentrée sans qu’on puisse en conclure à une « carte blanche » laissée aux profs : voilà qui promet à ces derniers des congés d’été bien loin du cliché des vacances à rallonge.

Plus grave pour les élèves, les programmes déjà parus pour la future Seconde s’avèrent plus lourds et plus encyclopédiques que les précédents, malgré la baisse du nombre d’heures pour les traiter. Plus de cours magistral, un alourdissement du travail des élèves à la maison, des enseignements traités plus rapidement, voilà des risques évidents pour les lycéens.

L’architecture des futures classes de 2nde, 1ère et Terminale, avec des enseignements calés sur des créneaux identiques pour toutes les classes, des cours semestrialisés ou annualisés, des interventions ponctuelles, laisse également augurer d’emplois du temps des enseignants à trous multiples et à géométrie variable, alors qu’aucun espace de travail personnel n’est prévu pour eux dans les établissements. Leurs conditions de travail comme leur vie personnelle et familiale devraient se dégrader, et par ricochets la qualité de leur enseignement.

Celle-ci est aussi menacée par la manière dont les enseignants vont, désormais et dans un avenir proche, être recrutés. Les enseignants stagiaires, qui bien que payés ne devaient que 4 à 6 heures hebdomadaires devant les élèves pour se consacrer à leurs premières préparations de cours et compléter leur formation en IUFM, sont passés à 8h d’enseignement et en devront 12 à la rentrée 2010. Plus de cours, moins de temps pour les fabriquer, les jeunes professeurs seront évidemment moins efficaces, moins opérationnels que par le passé.

Le contenu même de leur formation est appelé à être bouleversé. Certes, les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres n’ont pas donné satisfaction, car pendant longtemps une majorité des intervenants a tenu des discours sur la pédagogie déconnectés des pratiques possibles en classe face à des élèves « réels ». Néanmoins, ce sont encore les seuls lieux où un apprenti enseignant pouvait confronter sa pratique avec des dizaines d’autres jeunes collègues, ou entendre parler de psychologie de l’enfant et de l’adolescent. Juste un peu utile de nos jours ! Et bien au lieu de les améliorer, le gouvernement a décidé de supprimer les IUFM pour confier comme il y a vingt ans la formation des enseignants aux universités, sans que ne soit perceptible le progrès que cela engendrera en matière de transmission du savoir et de relation aux élèves.

Pour couronner le tout, et sous couvert d’améliorer cette formation, celle-ci nécessitera l’obtention d’un Master, donc un niveau BAC+5, quand aujourd’hui un enseignant titulaire du CAPES détient une Licence, l’année de préparation au concours et son année de stage-formation… soit un BAC+5. Quel est l’intérêt de cette manœuvre ? Tout d’abord de ne pas avoir à payer la 5ème année d’étude comme c’est le cas jusqu’à présent puisqu’il s’agit aussi d’une année de stage en situation. Mais surtout, et Nicolas Sarkozy l’a indirectement confirmé récemment par des phrases méprisantes à l’égard des « bêtes à concours », le CAPES et l’Agrégation ne survivront pas plus de quelques années à la « masterisation ». Les Masters orientés « enseignement » les remplaceront. Un examen remplaçant un concours, cela signifie probablement la fin du statut de fonctionnaire. Le risque sera grand de diplômer plus d’étudiants qu’il n’y a de postes à pourvoir (alors que les postes offerts au concours s’y adaptent), et de laisser l’embauche (en CDI ou CDD) et les mutations à l’appréciation des seuls établissements (dont les statuts sont justement en train d’évoluer pour cela), c’est-à-dire à un jugement arbitraire aux critères insondables. Insondables ? Pas tout à fait en réalité. Les nouvelles épreuves orales du CAPES et de l’Agrégation laissent en effet entrevoir ce que l’Etat souhaite désormais de ses agents. Les futurs candidats à ces concours vont en effet être tous interrogés sur un sujet portant sur la thématique suivante : « Agir en fonctionnaire de l’Etat, avec éthique et responsabilité ». En 10 minutes chrono, il se pourrait qu’on vérifie là davantage la docilité et l’allégeance que l’esprit d’initiative et les compétences pédagogiques ou disciplinaires. Ce n’est plus un serrage de vis, c’est une déviance. On sait ce qu’ont donné les fonctionnaires moutonniers entre 1940 et 1944. On devine ce que je risquerai demain, en tant que professeur, ou d’autres en tant que candidats, à écrire de tels articles sur ce blog s’ils ne sont pas jugés par on ne sait qui, « éthiques et responsables » …

Précarité enseignante, précarité de l’enseignement

Cette précarisation des contrats et des libertés des enseignants, l’Etat la teste, la développe dans l’Education Nationale depuis plusieurs années, à travers le recrutement de vacataires. Limités à 200 heures de cours par an, payés à l’heure de cours effective, ils ne bénéficient pas de facto de congés maladie, et sont moins ou pas rémunérés les mois au cours desquels se situent les vacances scolaires. Pour que leur présence dure de septembre à juin devant une ou deux classes (36 semaines), on limite leur service d’enseignement à 6 heures par semaine, voire 5 heures si on souhaite – ce qui n’est pas prévu au départ - les payer pour les conseils de classe ou les réunions parents-professeurs. Leur emploi du temps suivant celui des classes dont ils ont la charge, il est éparpillé dans la semaine et rend quasi-impossible de compléter leur activité par un deuxième métier à temps partiel.

Et pourtant, ils en auraient bien besoin dans l’immédiat. La plupart de ces vacataires émargent en effet pour le ministère à 530 € nets par mois, desquels il leur faut défalquer le coût de leurs déplacements domicile-travail. C’est donc pour le prix d’un RSA (revenu de solidarité active ayant remplacé le RMI, 460€ pour une personne seule) que l’Etat se paie aujourd’hui des « bouts de professeurs », ses esclaves à lui en somme. Non-titulaires d’un concours d’enseignement, généralement recrutés à BAC+3 sans aucun stage préalable ni formation professionnelle, ils assumaient au départ des remplacements à la place des titulaires spécifiquement chargés de cela, qu’on a affectés sur des postes fixes pour faire des économies. Début septembre, les principaux de collèges et les proviseurs de lycée font de plus souvent l’annonce pathétique suivante à leurs équipes : « connaitriez-vous un étudiant ou un chômeur titulaire d’une licence pour tel ou tel cours de langues ou de maths » ? A cette sauce, même si individuellement on trouve parmi ses volontaires des gens de grande valeur, la qualité de l’enseignement ne peut que globalement baisser.

Leur présence est aujourd’hui indispensable au fonctionnement du système éducatif, et même accentuée par l’empressement du ministère à supprimer des postes même lorsqu’il existe des besoins horaires permanents et suffisants : de plus en plus souvent on préfère trois vacataires à 6 heures pour une discipline si cela permet d’exploser un poste de professeur certifié à 18 heures. Pour tromper la vigilance des équipes de titulaires en place sur ce point, et les empêcher de savoir à l’avance le nombre de vacataires prévus à la rentrée suivante, les heures sur lesquelles ceux-ci sont embauchés ne figurent même pas à la « dotation horaire globale » présentée au conseil d’administration des collèges et des lycées.

Ejectables, dépendants de leur morceau d’emploi, ces vacataires se taisent, même lorsque leur salaire ne tombe pas ! Oui, vous avez bien lu : l’Etat est un mauvais payeur. Dans l’académie de Grenoble, au 22 janvier 2010, certains de ces profs ultra-précaires n’avaient pas encore été payés de leurs cours de novembre et décembre 2009. Pour être parfaitement complet, leur salaire d’octobre avait déjà versé avec retard, occupant seul la feuille de paie de Novembre (pour 430 €) et Décembre (22€, si si).

« Autonomie » et « initiative », « victimes » et « bourreaux »…

Cette fragilisation de la machine éducative est à la fois mal assumée et évidemment savamment enrobée par le ministère de l’Education Nationale. C’est pour cela que la communication ministérielle sur la réforme du lycée insiste sur la nouvelle « autonomie », les possibilités « d’initiative » et la plus grande « liberté » du système, en omettant de dire que c’est pour mieux laisser aux recteurs, aux proviseurs, et en bout de course aux équipes enseignantes elles-mêmes, la responsabilité de gérer la pénurie. « Libres » de faire ce qu’elles peuvent avec le peu qu’on leur donne, les victimes deviennent leurs propres bourreaux.

La première conséquence concrète de cette « décentralisation des responsabilités » est la disparition programmée du caractère national de l’éducation en France. L’Etat, qui a supprimé la carte scolaire il y a deux ans, donne des pouvoirs colossaux aux recteurs et aux proviseurs, et réduit désormais à l’extrême les dotations horaires des établissements, organise ainsi une différenciation des contenus d’une académie à une autre, et d’un lycée à un autre. L’académie de Grenoble se distingue déjà en imposant aux futurs élèves de Seconde un des quatre enseignements d’exploration théoriquement « au choix », et en accélérant la procédure de mise en place des nouvelles dotations horaires au point de ne même plus respecter le Code de l’Education !

Derrière cette diversité et l’apparence du « choix » pour les familles s’instaure le « non-choix » pour celles qui ne sont pas hyper-mobiles ou ne vivent pas dans les métropoles à l’offre plurielle. Cela n’empêche pas la mise en place d’une « concurrence » entre lycées qui n’est rien d’autre qu’une « compétition », inégale comme peut l’être la sociologie des secteurs de recrutement des élèves, laquelle aboutira à la sélection des « meilleurs élèves » par les « meilleurs lycées » et à la hiérarchisation de ces derniers. Ceux qui promeuvent cela évoqueront un effet stimulant, comme d’habitude. Mais ils savent surtout qu’ils engagent clairement la France dans une école à multiples vitesses, au moment où d’autres en reviennent groggys.

Une autre évolution liée à la pénurie horaire est que des équipes disciplinaires qui jusqu’à présent travaillent main dans la main et se soutiennent les unes les autres, risquent dès maintenant de se « battre » pour obtenir le peu d’heures qui restent pour les dédoublements, ou pour se faire attribuer les heures d’enseignements exploratoires et d’accompagnement personnalisé qui sont la clé du maintien des postes ou des heures supplémentaires. Officiellement, un « conseil pédagogique » sera chargé d’élaborer des solutions. Mais cette instance nouvelle n’aura que le droit de réfléchir, gratuitement, sans aucun pouvoir de décision concret. Le proviseur, qui le composera à sa guise sans légitimité démocratique – contrairement au conseil d’administration composé de collèges élus d’élèves, de parents et de professeurs – en sera le seul arbitre. Des équipes rivales, une ambiance de travail pourrie, une paperasserie en croissance pour chaque prof afin de prouver la qualité de son travail et de ses projets, voilà de quoi massacrer les motivations. Le danger évident de décisions arbitraires de la part des chefs d’établissement s’étendra par la suite à l’évaluation pédagogique pour lesquels ils n’ont aucune compétence mais récupèrent du pouvoir, puis au maintien des enseignants et à l’embauche.

Un lycée si tributaire de « l’avant » et de « l’ailleurs » !

Retoucher le lycée était nécessaire, le bouleverser tel qu’il est prévu de le faire suggère par contre qu’il était en échec total. Est-ce le cas d’une institution qui amène plus des trois quarts de ses élèves de Seconde au baccalauréat ? Le souci est qu’on n’a jamais vraiment diagnostiqué l’origine des difficultés que connaît le lycée ou des problèmes que vivent les jeunes étudiants qui en sont fraîchement sortis. Or, coincé entre un collège qui n’a pas beaucoup d’autres choix que de faire transiter ses élèves jusqu’à la Seconde sans qu’ils ne maîtrisent toujours les outils et repères de base, et un enseignement supérieur qui n’est pas prêt à abaisser ses exigences, le lycée reste un sas de 3 ans au cours duquel il faut faire faire aux jeunes un énorme bond en terme de savoir, de compétences méthodologiques, de raisonnement, d’expression.

Une discussion profonde et sereine sur les programmes, les pratiques pédagogiques, la formation continue (devenue malheureusement indigente) des professeurs, l’architecture du lycée, les locaux nécessaires et l’emploi du temps des élèves aurait pu être menée, mais il n’en a jamais été question pour ce gouvernement, dont la précipitation n’avait d’autre objectif que de contourner les acteurs de l’école.

Le lycée, si fortement tributaire de ce qui se passe « avant lui », à l’école primaire et au collège, et « autour de lui » dans la vie des adolescents, de l’emprise des écrans au nombrilisme superficiel en passant par les problèmes économiques des parents, a surtout besoin de ne plus avoir à traiter davantage que ce qui tient à ses propres exigences. Les échecs de notre système éducatif dans les apprentissages fondamentaux, et l’échec de notre société tout entière dans la transmission du goût d’apprendre et de l’effort, pèsent trop lourd sur le lycée pour ne pas être traités en amont.

La relation lycée-familles au cœur du problème… et des solutions

Une chose est certaine. C’est la reconquête de l’opinion par les professeurs, et le rapprochement mutuel et constructif de l’école et des parents, qui donneront au système scolaire la force d’un progrès véritable, solidaire et sur le long terme. Cela doit interroger les syndicats sur leur mode d’action, la grève étant soit trop fréquente, soit pas assez unitaire, et toujours insuffisamment et tardivement expliquée. Des relais politiques courageux doivent aussi aider le monde de l’éducation face à une opinion pour l’instant braquée et peu encline à écouter les professionnels eux-mêmes. Tout cela est indispensable car l’école – le lycée en particulier – est malgré ses défauts une clé de la mobilité sociale, une « garantie démocratique » et un pilier de notre cohésion nationale.

Fabrice MAUCCI

Publicité
Commentaires
I
Bonjour,<br /> je voudrais revenir sur l'article publié par la FCPE en janvier 2010, intitulé " De vraies réponses aux fausses rumeurs" concernant la réforme Châtel. Cet article m'a beaucoup déçu de la part d'une association laïque de parents d'élèves soucieuse de l'intérêt des élèves.(http://www.fcpe.asso.fr/ewb_pages/l/lycee2254.php).<br /> Peut-être que cette pseudo neutralité vis à vis de la réforme Châtel – on peut douter de cette neutralité au vu de l'article dont le lien est précité - est motivée par une peur de voir un blocus lycéen se développer comme l'année précédente. En tous cas, le fait qu'un groupe de personnes prétende détenir la vérité sur un sujet aussi controversé que la réforme Châtel m'a paru pour le moins étrange. Lorsqu'en parallèle cette même FCPE se bat pour que les 16 000 postes non remplacés à la rentrée prochaine soient rétablis, il y a là une contradiction troublante. La FCPE s'en défend en considérant que les problèmes sont séparés. Je pense le contraire et je vais expliquer pourquoi.<br /> <br /> Tout d'abord, resituons cette réforme dans son contexte et voyons ce qui a motivé ce gouvernement à ne pas remplacer le départ à la retraite d'un fonctionnaire sur deux dans la fonction publique. La raison est simple : le service public ne répond pas à la logique de la rentabilité. Pour pouvoir réaliser ses réformes, le gouvernement a besoin d'un peu de communication. Il suffit alors de faire l'amalgame entre rentabilité et efficacité, ce qui n'est pas difficile dans une société obsédée par l'argent. Si le but officiel du gouvernement est de rendre plus efficace le service public, ses réformes seront populaires. Et comment obtenir cette efficacité ? Il est bien connu que les arbres ont besoin d'être élagués pour mieux se développer. Pour réformer et rénover le service public, supprimons des postes. Les postes supprimés seront-ils ceux des fonctionnaires qui sont moins efficaces ? Il est illusoire de le penser, en tous cas pour le moment. En conséquence, le service public fonctionnera moins bien et donnera à l'opinion publique des raisons supplémentaires de s'indigner davantage, ce qui ne manquera pas de motiver d'autres réformes.<br /> Xavier Darcos, en 2008, a eu le culot de dire que toutes les réformes qu'il entreprendrait à l'éducation nationale seraient prétextes à des suppressions de postes. Subordonner l'éducation aux finances me semble bien inquiétant. Dans un contexte pareil, croire que l'autonomisation des lycées et la souplesse qu'elle va engendrer va profiter aux élèves en difficulté par le biais de séances à effectifs réduits est une douce illusion, surtout lorsqu'on sait que par ailleurs la taxe professionnelle est remise en question et que l'état apporte de moins en moins d'argent aux régions. L'autonomisation des établissements a un seul objectif : "assouplir" les statuts nationaux pour préparer les suppressions de postes qui ne manqueront pas de suivre dans les années à venir. Mais passons maintenant au contenu de cette réforme que l'on peut résumer en trois points importants : l'accompagnement personnalisé en seconde, une première marquée par des stages passerelle permettant une réorientation accompagnée d'un affaiblissement de l'étude des sciences et enfin le passage à 18 heures des stagiaires professeurs titulaires du CAPES.<br /> <br /> <br /> En premier lieu, parlons des 2 heures d'accompagnement personnalisé en classe de seconde sur lesquelles on veut focaliser toute notre attention pour éviter de voir le "projet" gouvernemental dans toute sa globalité.<br /> Pour commencer, le terme "accompagnement personnalisé" n'est personnalisé que de nom. Il s' agira d' heures en demi-groupes qui ne pourront en aucun cas remplacer les heures d'aide individualisée en français et en mathématiques qui étaient jusqu'ici dispensées à des effectifs vraiment réduits – 8 élèves maximum - . Ces heures d' aide individualisée seront supprimées. Les élèves en difficulté ne vont rien gagner dans cette réforme. <br /> Il est certes intéressant et sans doute nécessaire de décloisonner les disciplines afin que les enseignants puissent mieux connaître les contenus des programmes des autres disciplines pour ainsi permettre à l'élève de développer une vision plus large et plus globale des apprentissages. Un point de départ plus réfléchi pour décloisonner horizontalement les disciplines serait d'articuler les programmes davantage les uns aux autres, créant ainsi la possibilité de nombreuses passerelles. C'est loin d'être le cas aujourd'hui et les nouveaux programmes qui sont sortis des cartons à la dernière minute sans laisser aux enseignants la moindre lisibilité verticale, c'est à dire que ces derniers en sont rendus à appliquer, par exemple en mathématiques cette année en seconde, un nouveau programme sans connaître les modifications qui seront appliquées au programme de première l'année prochaine. Pour les mathématiques, ces changements de programme ont été réalisés dans l'urgence sans concertation avec les enseignants et sans cohérence globale véritable. <br /> Enfin, techniquement, la mise en place de ces 2 heures d'accompagnement personnalisé va être un véritable casse-tête qui ne manquera pas de créer des "trous" dans les emplois du temps des élèves et risque de poser de nombreux problèmes d'incompatibilités d'options.<br /> <br /> <br /> Le point dangereux de cette réforme se situe en classe de première. La grande nouveauté est la possibilité de faire un stage passerelle non évalué en cours d'année de première - par exemple à Pâques - afin de pouvoir suivre l'année suivante une autre filière en cours d'année voire en terminale. Cette nouveauté s'accompagne,en première S, d'une diminution du bloc sciences qui passe de 13 h à 10 h et d'une diminution d'horaires pour l'option maths en ES. Par ailleurs, il sera désormais impossible pour les élèves de L de suivre en même temps les options maths et latin/grec. <br /> Selon le gouvernement, ces passerelles permettront de retarder le moment de l'orientation et donc de mieux orienter. Il faut rappeler que le nombre de COP (conseillers d'orientation psychologues) a été divisé par 6 en 15 ans et que ce sont désormais les professeurs principaux qui se chargent de conseiller les élèves comme ils le peuvent, sans avoir eu la moindre formation à l'orientation. En aucun cas leurs conseils ne pourront remplacer ceux des COP.<br /> Quant aux diminutions d'horaires en mathématiques, l'argument clé pour les justifier consiste à dire que la réforme permettra une répartition plus équilibrée des "bons" élèves dans les 4 sections L, ES, S et STI et qu'ils ne seront plus regroupés principalement dans la série S. Cet argument est basé sur le raisonnement suivant : si l'importance des mathématiques à l'école est amoindrie, ces dernières cesseront de devenir un critère de selection primordial. Le seul petit problème, c'est que la combinaison de ces deux nouveautés va surcharger la classe de 1ereS, menant exactement au résultat contraire de celui que l'on nous annonce. Nous allons voir pourquoi.<br /> <br /> En premier lieu, mettons les choses au clair : la grande majorité des enseignants désire voir se désengorger la série S et notamment les professeurs de sciences qui préfèrent nettement faire cours à des élèves motivés par les sciences qu'à des élèves qui sont là pour se retrouver dans une bonne classe. Dire que les enseignants ne sont pas prêts à remettre en cause le système actuel est très démagogique et peu responsable de la part d'une fédération de parents d'élèves. A la journée portes ouvertes, une grande partie des parents d'élèves venant de troisième voulait savoir quelles étaient les "bonnes" options à choisir pour que leurs enfants se retrouvent dans une "bonne" classe et préparer une première S dans de bonnes conditions. Le fait de leur répondre que l'option en seconde ne détermine en aucun cas l'orientation en première n'a pu les satisfaire. Peut-on moraliser les parents soucieux de la réussite de leurs enfants alors que la france connaît une crise qui touche particulièrement les jeunes ? Essayons d'anticiper comment ceux ci vont raisonner l'année prochaine lorsque leurs enfants seront en fin de seconde.<br /> Ces enfants auront le choix entre s'orienter en L, ES, STI, STG ou S. Il existe bien sûr des métiers intéressants qui ne nécessitent ni formation ni savoir faire mathématique et heureusement.<br /> Cependant, les élèves qui choisiront L, ES et STG se priveront des débouchés dans les secteurs nécessitant quelques bases scientifiques puisqu'ils ne pourront plus approfondir autant les mathématiques. Et il est complètement illusoire de penser que des élèves de première L ou ES puissent suivre l'année suivante en TS, à moins de baisser radicalement les exigences en première S.<br /> Les élèves qui sont vraiment intéressés par l'industrie choisiront STI. Les élèves vraiment intéressés par les métiers de gestion et de secrétariat choisiront STG et aussi ceux qui rencontrent certaines difficultés. Et les autres élèves, c'est à dire la grande majorité, choisiront une première S pour au moins 4 raisons. La première, c'est de se retrouver dans une "bonne" classe. La deuxième, c'est de conserver tous les débouchés post-bac possibles. La troisième est liée à la baisse du nombre d'heures du bloc scientifique qui passera de 13 h à 10 h. Ceci persuadera les élèves un peu justes de "tenter leur chance". La quatrième, c'est la possibilité de se réorienter en L, ES ou STI. Cette passerelle va être en réalité très glissante, mais sa présence finira de rassurer ceux qui seraient encore indécis. Le résultat prévisible, c'est une diminution des orientations en L, ES et STI associée à une orientation en masse en première S. Quelles vont être les conséquences pour la formation scientifique des élèves qui auront choisi une première S ?<br /> En terminale S, les horaires en sciences seront maintenus voire très légèrement augmentés. Le palier que les élèves avaient à franchir en passant de la seconde à la première S va se retrouver décalé d'une année, de la première S à la terminale S, ce qui va être beaucoup plus délicat à gérer. Beaucoup d'élèves auront des difficultés énormes à suivre la formation en terminale S à moins que celle – ci ne s'adapte à leur niveau. Dans le premier cas, les organismes de soutien scolaire payants aideront les élèves qui auront la chance de pouvoir bénéficier de cours particuliers. Le second cas est le plus probable, car les directives ministérielles rappellent chaque année aux enseignants qui corrigent le baccalauréat et font passer les oraux qu'ils doivent accepter un pourcentage minimum d'élèves. Le niveau des exigences du baccalauréat S va donc fortement diminuer, ce qui va creuser encore l' écart entre les exigences du baccalauréat et celles du post-bac. En tant qu'enseignant en mathématiques, je n'accepte pas que les élèves de l'enseignement public qui sont les plus intéressés par les sciences ne puissent pas bénéficier d'une culture mathématique au lycée qui soit un réel tremplin pour réussir le début de leurs études supérieures. Seuls les lycées prestigieux et les lycées privés pourront le faire. Les élèves arrivant en classes préparatoires ne partiront pas à égalité selon leur provenance.<br /> Prenons l'exemple des ingénieurs en france. Nous en formons actuellement 30 000 par an ; or nous devrions en former 45 000. Par quelle filière vont passer ces 15 000 futurs ingénieurs supplémentaires ? La réponse de l'inspection est claire : par la série STI. Le programme de première STI va – t – il changer en mathématiques ? Pas cette année. L'aspect scientifique de la réforme Châtel n'a pas été réfléchi dans sa globalité.<br /> <br /> Le dernier point de cette réforme de loin le plus contestable. Les stagiaires néotitulaires du CAPES effectueront 18 heures de cours devant les élèves et suivront une formation le vendredi. Dans les textes, il est prévu que ces stagiaires soient devant les élèves au moins 12 heures par semaine, les rectorats étant libres de les employer jusqu'à 18 heures. Vu la pénurie de professeurs actuellement, il est prévu que les rectorats emploient ces stagiaires 18 h. Ceci ne leur permet pas une entrée sereine dans la profession qui demande beaucoup de réflexion et de préparation. Dans mon lycée, certains professeurs ont été absents pendant plus d ' un mois sans être remplacés. Des élèves préparant le baccalauréat se sont retrouvés sans professeur et pourtant ces absences étaient prévues. Les vacataires et les contractuels sont de plus en plus nombreux au lycée et c'est très difficile pour eux également de s'adapter au rythme. Il y a même une retraitée qui est venue remplacer un collègue. L'année prochaine, des étudiants sont prévus pour effectuer des remplacements. Jusqu'où vont-ils aller ? Jusqu'où allons nous accepter ? Les deux questions sont liées.<br /> <br /> Remarquons au passage la schizophrénie du système qui, d'un côté, baisse les exigences du lycée sous couvert de moralisation de l'élitisme et, de l'autre, cesse de subventionner les universités, ce qui provoque une augmentation alarmante des droits d'inscription dans ces universités et ne manquera pas de créer des universités à plusieurs vitesses. Les non titulaires de l'éducation nationale vont être de plus en plus nombreux. Ils vont faire valoir leurs diplômes universitaires aux chefs d'établissement ; ces diplômes seront plus ou moins reconnus selon leur provenance. Dans un contexte difficile pour les jeunes, on voit mal la cohérence d'une telle politique éducative, à moins de reconnaître que les réformes Pécresse et Châtel ont un véritable point commun : toutes deux ne manqueront pas de favoriser la reproduction sociale.
I
Ca fait du bien de voir une analyse aussi fine et aussi bien illustrée de la situation. J'ai mis ce texte de Fabrice Maucci dans les 3 salles des profs en soulignant les points clé -vu la longueur du texte- . Le ton de ce texte n'est pas un ton polémique. Le ton polémique provoque des non débats enflammés et stériles. L'opinion publique a développé une allergie aux discours syndicaux qui est telle qu'il nous faut être très habiles pour ne pas être contre-productifs. <br /> <br /> D'ailleurs, je pense qu'on aurait intérêt à inaugurer un nouveau type de grève : on va travailler mais au lieu de faire cours, on présente des textes bien choisis de façon à montrer aux élèves les dessous des cartes. Et créer un réel débat sur l'éducation. Pourquoi pas inviter les parents d 'élèves dans un second temps, une fois un peu rodés. Ce serait des grèves bien efficaces.<br /> <br /> Je crois en le média internet pour développer une diffusion collective ultra rapide.Pour contourner le mode de communication téléguidé de la télévision. Mais pour cela il faut croire aux liens de la toile pour tisser une résistance collective. On nous a cassé la croyance au groupe en la multipliant sur des causes dérisoires. Le seul problème d'internet est celui de la vérité. Comme le dit si bien l'article, être face à deux opinions totalement contradictoires peut amener au désintérêt. En tous cas, je suis preneur de tous les liens intéressants sur cette réforme.<br /> <br /> J' ai beaucoup aimé dans cette analyse la méthode du contre pied absolu. C est curieux, je la voyais un peu différemment, plutôt sous la forme de la novlangue (1984 d'Orwell). On fait dire à un terme importun exactement le contraire de sa signification. <br /> <br /> Par exemple, dire que le but de l'économie est d'apporter de la croissance est une oxymore. Lorsqu'on sait qu'en parallèle la population a été multipliée par 6 en 150 ans, ce crédo montre une vision à court terme. Le fait que les citoyens continuent à marteler cet argument montre bien le conditionnement dans lequel les médias nous enferment. La dictature du réalisme et des idées reçues. Il est urgent que l'école s' attaque à ce type tartre de la pensée.<br /> <br /> Je pense que le milieu des finances tire les ficelles depuis une bonne vingtaine d'années, notamment depuis la loi de 1986 qui permet de revendre immédiatement des actions.Il va nous falloir faire face et vite. Derrière les nuages brumeux et inintéressants du langage financier se cachent les vraies décisions mondiales. Il est urgent de décrypter cette langue et de la vulgariser. Et de la comprendre sans délai de traduction.<br /> <br /> Le vingtième siècle en france est marqué, plus que dans les autres pays, par les progrès sociaux. L'image de la pyramide des inégalités était présente dans tous les esprits. D'ailleurs, on peut la voir comme un triangle. L'image mentale de ce triangle était le garant d'un équilibre entre le pouvoir et les citoyens.<br /> <br /> La mondialisation de l'économie a permis au pouvoir de nous éclairer d'une nouvelle construction mentale : on met l'un derrière l'autre les triangles de chaque pays et on braque la caméra médiatique sur le profil obtenu. On s'aperçoit alors que l'ouvrier français est terriblement privilégié par rapport à l'ouvrier chinois. Et le tour est joué.<br /> <br /> Il va nous falloir nous réapproprier ce monde, nous recentrer autour de l'essentiel et faire comprendre les réels enjeux de cette "réforme" à tous. Et associer les élèves et leurs parents, car c'est avant tout pour eux que nous nous battons.
S
Je pense que cela serait plus efficace de faire en plusieurs parties, trop long pour lire sur le net... même si c'est intéressant...<br /> <br /> A lire si ce n'est pas déjà fait, un article de Philippe Meirieu, tête de liste Europe Ecologie en Rhône Alpes.<br /> <br /> "Pédagogie : le devoir de résister"<br /> <br /> http://73.snuipp.fr/spip.php?article424<br /> <br /> Bonne lecture
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité