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7 janvier 2010

"Ecologie populiste"

Parallèlement au débat sur l’identité nationale, dont la tournure et les dérapages collatéraux ont démontré qu’il n’avait été lancé que pour fidéliser les électeurs du FN, l’UMP s’apprête à théoriser sa « conversion au vert » juste avant les régionales et à deux ans des présidentielles. Là encore l’objectif est clair : préserver ou bâtir, en multipliant les cibles, le matelas de voix nécessaire aux candidats de droite pour s’épaissir entre deux tours de scrutin.

Après la drague lepéniste, l’UMP entame la sérénade écologiste

Une première piste, plus simple sur le papier, aurait pu consister à amener les Verts à lâcher leur positionnement à Gauche, quitte à ce que le mouvement se scinde (encore…). Mais au sein de la famille verte, la ligne Duflot l’emporte finalement sur la ligne Dany. Le PS de 2004 a aidé les écologistes à gagner l’expérience de la gestion régionale, tandis que celui de 2010, affaibli, leur offre un espace de croissance et une opportunité de domination d’alliances surtout à Gauche. La plupart des cadres et militants écologistes n’envisagent de toute façon pas d’alliances au-delà des « bayrou-benhamio-lepagistes », car ils se révèlent allergiques aux autres versants du sarkozysme. C’est donc une autre stratégie qui se bâtit pour verdir la Droite.

Il faut aller chercher les électeurs eux-mêmes, en particulier ceux qui n’ont voté Vert qu’en 2009 et n’ont pas de convictions tranchées sur d’autres sujets, mais également les électeurs zappeurs désormais pris de panique par la menace climatique, les Monsieur-tout-le-monde qui pourraient être tentés de (re-)choisir Sarkozy parce qu’en 2010, écologie comprise (dans un discours plein de « je » et de « moi, je l’ai fait »), il serait de nouveau le seul à parler de tous les sujets et à se montrer apte à faire le travail.

Pour accomplir cette tâche et définir la doctrine écologique de la majorité, Jean-Louis Borloo l’hyper-enthousiaste – capable de minimiser les échecs et de décrire son action par des superlatifs sans paraître prétentieux – et NKM – autrefois assez sincère pour ne pas dire convaincante sur le sujet – paraissaient bien placés. Mais la mission en est revenue à Chantal Jouanno, l’actuelle et transparente sous-ministre de l’écologie. C’est elle qui a dégainé le slogan choc destiné à distinguer l’écologie de gauche de celle de droite, en baptisant cette dernière « écologie populaire ».

Les nouveaux convertis ne feront pas d’excès de zèle

La référence au nom complet de l’UMP est évidente et pratique, mais cette dénomination (cet élément de communication disons-le) va au-delà. Il a été choisi pour suggérer « en miroir » que l’écologie de Gauche, celle des Verts, de Cohn-Bendit et d’Europe Ecologie notamment, serait une écologie « im-populaire », c’est-à-dire d’élite, de bobos et de babas, une écologie passéiste, naïve et irréaliste, intégriste, une écologie « anti-peuple » car coûteuse, contraignante, culpabilisante et anti-économique.

Pour une fois, les « nouveaux convertis » ne donneront donc pas dans l’excès de zèle. L’écologie de droite se voudra officiellement la « seule voie sérieuse », l’incarnation du « pragmatisme vert », un indéplaçable « juste milieu », une « écologie réaliste ».

Au pouvoir depuis 2002 et parée de chlorophylle depuis 2007, la majorité actuelle aura beau jeu de proclamer en 2012, que c’est elle qui aura réalisé « les premières inflexions significatives » vers un développement durable. Peu importe que cela soit faux, peu importe que le Grenelle et ses suites soient les fruits d’une pression (populaire, politique) et d’une époque et non d’un projet, la Droite prendra la posture de « ceux qui réforment » - c’est vrai que dans l’opposition, c’est un chouïa difficile de réformer…

Quelle « sincérité écologique » ?

En attendant, on a le droit d’être sceptique sur cette « écologie populaire » en cours de définition. A l’échelle des Etats comme des territoires plus petits, la Gauche a généralement un peu mieux et un peu plus fait, mais on peut, avant une analyse plus profonde, reconnaître que c’est parce qu’elle a commencé plus tôt à réfléchir et à agir sur les questions environnementales. Les conversions ou les prises de consciences récentes peuvent exister et être sincères, ce n’est pas le problème. Au contraire, il en faut même de nombreuses, rapidement et de tous horizons pour relever les défis écologiques.

Ce qui interroge ici c’est de savoir si cette nouvelle vision tient compte d’une « urgence des enjeux qui n’attend pas les scrutins » ou d’une « urgence de scrutins qui demande de faire siens les enjeux », car dans le second cas la démarche pourrait se limiter à des symboles et des paroles, sans volonté profonde ni cohérence, sans désir de transformer suffisamment.

L’écologie : « question de société » ou « enjeu de civilisation » ?

D’un point de vue « historique », il est clair que l’idée écologique n’est pas venue de droite. Ceux qui à la fin des années 1960 – entre découverte des dégâts faits à la nature, protestation contre la société de consommation et prise de conscience d’un monde fini et petit – ont entamé l’histoire de l’écologie politique, étaient en opposition diamétrale avec la Droite, que ce soit en France, en Suède ou aux USA. Hippies, chercheurs ou « doux rêveurs », ces pionniers ont représenté ce que les conservateurs détestaient le plus sur tous les plans. 

Depuis, le cercle des conquis s’est élargi au fur et à mesure que les mauvais augures se réalisaient, que les menaces se précisaient. Parallèlement, les droites ont évolué depuis 40 ans, une partie d’entre elles ayant abandonné les réflexes conservateurs pour mieux chevaucher le libéralisme, fût-il essentiellement économique.

Même si, chose surprenante, au sein même des principales formations politiques de Droite cohabitent les « très ouverts » et les « très rigides », ce camp a modifié sa position sur bon nombre de « questions de société ». Qui aurait parié, il y a 3 décennies, qu’il finirait par admettre, intégrer (et parfois défendre) le droit à la contraception, à l’avortement, à l’égalité homme/femme, à l’union homosexuelle ou encore l’abolition de la peine de mort ?

La droite a donc en théorie la faculté de s’adapter à ces autres changements profonds de la société que sont la compréhension des enjeux écologiques et le désir croissant d’action dans ce domaine.

Mais les enjeux dont nous parlons sont-ils un « sujet de société » parmi d’autres, une périphérie du discours politique qui peut attendre 5, 10 ou 20 ans de plus qu’on la prenne au sérieux, une thématique sur laquelle on peut perdre du temps à se quereller sur le fond et la méthode ? S’agit-il ici de modifier l’action politique à la marge, de calquer le discours sur de nouvelles mœurs répandues ?

Ou débattons-nous au contraire de valeurs et de projets urgents et prédominants, d’un « point central » à partir duquel nous devons construire une autre manière d’envisager la vie et l’action publique, pour permettre à notre civilisation de survivre en se refondant? Si on reconnaît une telle place à l’écologie en politique, on prône une transformation nette des sociétés dans lesquelles nous vivons, souvent contre les intérêts de ceux qui les dominent aujourd’hui. Pas sûr que la Droite emboîte ce pas là.

Les valeurs du libéralisme sont en contradiction fréquente avec l’écologie

Le problème majeur d’une écologie de droite c’est qu’elle se retrouve pétrie de contradictions. Puisque notre développement n’a pas été spontanément en équilibre avec la nature et qu’aujourd’hui encore certains acteurs économiques et certains individus n’en tiennent pas compte, il faut admettre que faire de l’écologie politique, c’est avoir des idées certes, mais aussi soutenir la recherche et l’enseignement sur ces questions, contraindre par des règles, des lois ou des systèmes d’incitation-régulation progressive. Il y a donc en perspective des coûts, des interdits, des gênes là où la doxa libérale cherche à les minimiser.

Le libre-échange induit des parcours longs, des conteneurs frigorifiques energivores, des émissions de CO2, des spécialisations d’espaces agricoles défavorables aux équilibres écologiques locaux ou mondiaux.

L’intérêt immédiat des actionnaires d’industries polluantes est de verser de gros dividendes, pas d’investir à long terme dans des procédés propres.

La fragmentation, la privatisation et la multiplication d’opérateurs de services autrefois publics, symboles d’une véritable orthodoxie libérale, se révèlent fréquemment anti-écologiques. Elles peuvent entraîner des surcoûts pour l’usager sans contrepartie environnementale, dégrader les paysages ou menacer la santé (antennes-relais), et accentuer les disparités territoriales et sociales du fait d’une attention circonscrite aux espaces et aux publics « rentables ». Elles créent aussi par principe des entreprises inaptes à décroître même lorsqu’il serait souhaitable que leur activité s’estompe, notamment dans le domaine des énergies fossiles.

Pour être efficace, l’écologie doit être accessible à tous, ce qui suppose une fiscalité progressive

Tout cela ne signifie pas qu’il faille admettre, pour être un écologiste sincère, une économie étatisée, un carcan législatif ou des dépenses publiques pharaoniques. Cet objectif public supplémentaire doit autant que possible être atteint avec des outils intelligents (voir cet article), mais se le fixer avec sincérité exige de reconnaître que la dépense publique ne peut pas à la fois incorporer une nouvelle mission, rembourser la dette et subir dans le même temps un régime drastique. La gestion rigoureuse des deniers collectifs sera une piste, mais des recettes supplémentaires seront utiles.

Au bout du compte, la différence entre l’écologie de Gauche et l’écologie de Droite se fera là. Pour laisser aux plus modestes et aux classes moyennes du pouvoir d’achat tout en leur donnant accès aux technologies vertes, ce qui est la condition sine qua non de l’efficacité finale d’une politique écologique, il faudra que ces prélèvements nouveaux soient justes et que l’attribution des sommes récoltées le soit aussi. Taxer les profits, les patrimoines et les revenus immenses, les mouvements spéculatifs et pratiquer des incitations « redistributives ». Etre écologiste jusqu’au bout des actes implique une fiscalité progressive, de Gauche en somme.

Si la taxe carbone telle qu’imaginée par l’UMP s’était appliquée au 1er janvier, nous aurions eu une France écologiquement injuste donc inefficace à moyen terme. Exemption de taxe carbone pour les plus gros pollueurs industriels, crédit d’impôt identique pour tous les ménages et qui restreint en fait les opportunités à ceux qui ont de quoi immédiatement investir la part restante, tramways des métropoles qui ne passent pas tous par les quartiers populaires… Attention, toute « fracture écologique » sera demain une « inefficacité écologique globale ».

En fait, rien n’empêche une droite officiellement vertueuse d’accomplir une partie du chemin en admettant des aides équitables sans augmenter les impôts des plus favorisés, mais cela voudra dire qu’on a rogné ailleurs, dans le scolaire, le social, la sécu, le service public. A coup sûr, la droite saurait devenir écologique si cela lui donnait le prétexte de réduire d’autant les autres solidarités !

L’écologie suppose la fin des égoïsmes nationaux et une régulation mondiale : qui y est prêt ?

Sur ce qui précède, les libéraux protesteront que quiconque fait un effort écologique significatif est lésé sur le plan de la compétition économique mondiale, et qu’il n’est pas admissible de faire la course seul ou en tête si c’est à ce prix. Ils n’auront pas complètement tort. A deux décennies d’écart, l’économie et l’écologie nous appellent donc à penser à l’échelle planétaire mais pas de la même manière : la mondialisation économique a exacerbé les compétitions, les égoïsmes et les replis méfiants, tandis que les défis écologiques nécessitent une action désintéressée, collective et confiante.

Y sommes-nous prêts ? Copenhague a montré que non. Les Etats ne sont pas parvenus à s’entendre sur des réductions d’émissions de gaz à effet de serre vues comme un effort équivalent pour tous. Quand bien même ils y seraient arrivés, on eut pu douter de leur capacité à faire naître une instance de contrôle mutuel et un dispositif de sanctions, tous deux indispensables pour donner force à l’accord.

Au Danemark nos dirigeants n’ont pas non plus été convaincants en matière de partage du « savoir vert ». A l’heure où les puissances émergentes taillent des croupières aux économies développées dans presque tous les domaines, les pays du Nord ne sont pas prêts à transférer les seules compétences sur lesquelles ils ont encore un « avantage concurrentiel », les seules à partir desquelles, dans le cadre libre-échangiste actuel, ils peuvent encore créer de l’emploi industriel. Vendre, oui. Partager, non. Même si c’est l’avenir de la planète qui est en jeu. Il faudra donc d’abord revenir sur le libre-échange pour en reparler ?

La plus lourde des solidarités peut-elle être de Droite ?

Une des manières de voir l’écologie, à laquelle je tiens beaucoup, est la suivante : elle est la plus lourde, la plus urgente et pourtant aussi la plus distante (abstraite en un sens, complexe à mettre en oeuvre) des solidarités. La plus « difficile » à envisager, celle qui fait le plus appel à l’intellect face à l’affect.

Tout le monde ou presque est en effet solidaire de sa famille, ses proches. Il est un peu moins de monde pour compatir au sort des malades ou handicapés, notamment quand on ne s’imagine pas à leur place ou qu’on estime parmi ces personnes que certaines sont responsables de leur destin (certains malades du SIDA ou accidentés de la route subissent ce regard). Cette dernière explication sert de prétexte général à une moitié de nos concitoyens pour considérer que les plus pauvres, même « de chez nous », méritent plutôt leur sort et qu’il n’est pas utile d’en faire davantage pour eux.

Alors combien de nous, combien de gens parmi ceux qui considèrent encore qu’ils sont « de droite », sont-ils prêts à dépenser pour rendre possible et sereine la vie de gens qui n’existent pas encore et dont une partie sera issue de famille situées à des milliers de kilomètres, dans les marges sahéliennes ou les deltas voués à l’inondation permanente ?

L’écologie de droite : discours plein, demi-mesures

Beaucoup d’éléments rendent donc compte d’une compatibilité limitée entre les valeurs économiques et sociales de la droite d’une part, et les conditions de la réussite d’une action écologique déterminée. Ces faiblesses intrinsèques se repèrent déjà au plan local. Les élus de droite ne sont pas tous inactifs, loin de là, mais une analyse fine démontrerait que leurs actions sont partielles, plus tardives, moins globales et bénéficient moins à l’ensemble de la population : incitation des particuliers mais absence d’investissements de la collectivité elle-même, absence d’acquisitions foncières publiques pour accélérer le renouvellement urbain « durable », transports collectifs modernisés mais évitant les quartiers les plus sensibles… L’écologie de droite répond mais n’anticipe pas, stimule mais ne réalise pas, reproduit mais n’innove pas ; elle n’est pas non plus égalitaire.

Le verbe est haut, mais l’action généralement incomplète : c’est en cela que « l’écologie populaire », désignant les plus volontaristes comme extrémistes, et jouant sur la demande sans faire ni exiger d’effort particulier de plus pollueurs, est une « écologie populiste ».

Fabrice MAUCCI

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