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20 octobre 2009

Collectivités locales : quand Sarkozy tue un peu plus la démocratie

Cet homme n'est peut-être pas fou, mais il faudrait pouvoir l'arrêter. Démocratiquement s'entend. Car il est clairement dangereux pour ce qui devrait être notre bien commun, la démocratie. (lire aussi cet article du Monde)

Monsieur décide de tout, tout seul, comme s'il avait à lui seul plus de science et de réflexion qu'une foule de penseurs et une masse de citoyens réunies. Il annonce, seul, d'en-haut, ce qui doit être fait et de quelle manière, comme si son gouvernement n'était qu'une somme de contremaîtres et non une équipe restreinte de co-pilotes. Un simulacre de débat a parfois eu lieu avant mais pas toujours, ce n'est pas la peine. La "réforme" des collectivités territoriales tombée du ciel ce midi est une variante : le débat aura lieu après ! "J'ai décidé, maintenant vous pouvez parler" ou plutôt "causez toujours"...

Parce que le sujet parait technique, le risque est que les Français ne s'y intéressent pas. Parce que le président de la République endosse l'habit de celui qui agira là où les autres ont attendu, il pourrait parvenir à endormir l'opinion. L'inaction passée justifiait bien une réforme, à la fois ambitieuse et préparée dans le consensus républicain. Idéalement, elle aurait même pu déboucher sur un referendum puisqu'il s'agit pas moins que de l'organisation des pouvoirs. Au lieu de cela, les non-choix des gouvernants précédents sont devenus prétextes à un véritable charcutage de la démocratie locale, doublé d'un énorme contresens historique. Ce n'est pas un raté, c'est une inadmissible faute. Une véritable régression.

A quelques exceptions près, tout ce qui méritait d'être fait pour améliorer la décentralisation passe à l'as, et à l'inverse on s'apprête à créer une mécanique moins démocratique, moins efficace et moins pertinente que l'actuelle, pourtant bien compliquée.

Aucun échelon supprimé, du populisme et de grosses confusions en perspective   

Alors que Nicolas Sarkozy lui-même utilise l'expression évocatrice de "millefeuille administratif", sa soi-disant réforme ne simplifiera en rien l'architecture territoriale de la France. Elle en maintient les 4 échelons infra-étatiques (régions, départements, intercommunalités, communes) alors que les problèmes à traiter et les moyens (humains, financiers, territoriaux) de les régler se déploient soit à l'échelle "locale" du bassin de vie ou de l'agglomération élargie, soit à l'échelle des "régions" telles qu'elles s'affirment aujourd'hui, comme espaces gravitant de près ou de loin autour d'une métropole.

Dans une vraie réforme les départements auraient pu s'effacer, en renforçant selon les compétences à transférer, tantôt les intercommunalités tantôt les régions. Les premières auraient pu récupérer l'effort en faveur de l'action sociale, du logement, des personnes âgées, les secondes auraient pu appliquer aux collèges le savoir-faire acquis à propos des lycées, tandis que les questions de transports ou de développement durable auraient pu être scindées dossier par dossier selon l'échelle territoriale à laquelle ils correspondent. Pour préserver une nécessaire proximité politique et administrative, les régions auraient pu être contraintes d'avoir une représentation dans chaque intercommunalité membre, à travers un personnel et des élus référents... Mais le guide suprême en a décidé autrement.

Bien sûr, l'attachement au département est grand. Mais lorsqu'il a été créé au lendemain de la Révolution de 1789, celui-ci correspondait à une proximité mesurée en durée du trajet accompli à cheval. Les distances-temps nécessaires à l'époque pour se rendre d'un village éloigné à la préfecture étaient plus longues que celle qui sépare aujourd'hui Modane de Lyon ! Autrement dit, la région est en 2009 l'équivalent du département de 1789. Dans ce domaine, on attendait d'un politique qui se flatte d'aller plus loin que les autres qu'il aille au devant du peuple, et qu'il fasse cette indispensble pédagogie du territoire.

Un contresens historique

En fait, N. Sarkozy nous impose un voyage dans le temps. En fusionnant les élus du département et de la région en "conseillers territoriaux" qui siègeront dans les deux instances, il revient au système en vigueur entre 1955 et le début des années 1980, avant que la région ne soit reconnue comme une collectivité à part entière méritant son propore scrutin et son propre équipage politique. L'ambition avancée ? Diminuer de presque la moitié le nombre d'élus de ces strates, comme si c'est là que naissaient les surcoûts publics, les doublons, la mauvaise graisse. C'est vite oublier que les régions portent 73% de l'investissement collectif en ne comptant que pour 10% de la dette publique. C'est ignorer que  le problème vient exclusivement du chevauchement des compétences, et pire, du maintien dans l'appareil d'Etat de services officiellement décentralisés depuis 30 ans !

Ce non-sens, basé sur une ritournelle populiste "anti-politique", présente deux risques majeurs : une formidable confusion des électeurs sur le rôle de chaque échelon, et la création d'un cumul de fait qui va réduire l'investissement personnel des élus sur chaque strate. Dans la pratique, les deux échelons territoriaux concernés vont être affaiblis et l'idée même de décentralisation mise à mal.

Reste une hypothèse à ne pas écarter, pragmatique mais aussi cynique et finalement inadaptée : que Nicolas Sarkozy ait décidé "d'offrir" un autre mandat aux élus des départements pour  mieux supprimer ces derniers après-demain, vers 2020, sans résistance des politiciens locaux dont ou aura ainsi assuré la "translation". Autrement dit, la population est peut-être déjà prête à abandonner le département, mais les conseillers généraux pas assez, donc on tripatouille...

Un mode de scrutin destiné à fabriquer de toutes pièces des "territoires-UMP"

Cette hypothèse est d'autant plus crédible que le mode de scrutin prévu pour désigner ces conseillers uniques est une prime aux élus identifiés à des micro-territoires, une garantie de sur-représentation du monde rural, autrement dit une assurance élection pour les élus départementaux en poste et un bouclier électoral de plus pur l'UMP.

Des nouveaux cantons - rien que la conservation de ce nom respire l'archaïsme - redécoupés par l'Etat seul, sortiront 80% des effectifs des deux assemblées, ce qui veut dire qu'au niveau régional la dose de proportionnelle passera de 75 à 20% du conseil. La pluralité des sensibilités et des compétences sera davantage encore mise à mal par le principe de l'élection à un seul tour, qui en l'état actuel du paysage politique national est une discrète mais indécente prime au méga-parti majoritaire. Scrutin uninominal majoritaire à un tour : sacrée démocratie ! Il est vrai qu'à droite, on a les visions tranchées : récemment encore, Hervé Gaymard affimait à la télévision que "la proportionnelle [etait] le poison de la démocratie". Un propos tout en nuance qui traduit à coup sûr une grande ouverture d'esprit et une aptitude remarquable à travailler avec ceux qui ne pensent pas exactement comme lui.

Tout indique donc que l'objectif de cette mascarade n'est pas une meilleure gouvernance des territoires mais bien de reprendre durablement et coûte que coûte (démocratiquement) les régions à la gauche, laquelle a la fâcheuse probabilité d'en garder un trop grand nombre en mars 2010 avec les actuelles règles du jeu. La mise en place du nouveau schéma en 2014 trahit d'ailleurs cet esprit mesquin vis-à-vis des régions : cette date est logique pour les départements, dont la moitié des élus arriveront à échéance et dont les présidences devaient être renouvelées, mais cela ampute de deux ans le mandat des élus régionaux du printemps prochain. CQFD.

Les métropoles : où s'arrête la bonne idée?

La création d'instances métropolitaines pour les plus grandes agglomérations ou des grappes urbaines de même poids désirant se développer en réseau, a au moins l'avantage de coller à une réalité territoriale incontestable : le besoin de piloter, promouvoir, planifier, gérer et rectifier des espaces que la mondialisation renforce.

Mais à ce stade, un grand flou subsiste. Si comme l'indique le président de la République ces métropoles peuvent exercer certaines compétences habituelles des départements et des régions, qu'en sera-t-il du territoire de ces derniers? Aurons-nous des départements fantômes réduits à quelques tâches subalternes? des régions à trous? Pourquoi une vaste région ne serait-elle pas apte à défendre elle-même les intérêts de sa métropole? Un large ensemble ne serait-il pas le meilleur moyen de préserver le dynamisme métropolitain tout en cherchant à le diffuser, à le rendre "polynucléaire" pour éviter la congestion du pôle principal?

Plus concrètement encore, n'y a-t-il pas un risque évident, si le transfert de missions vers la métropole n'est que partiel, de création de facto d'un 5ème type d'échelon local et d'une perte de lisibilité pour les citoyens? Et comme il est prévu que la métropole puisse recevoir la totalité des impôts locaux sur son territoire, ne sommes-nous pas à l'aube d'une tentation d'égoïsme fiscal de la part des grandes villes qui déchirera le tissu régional? A ce jour ces questions n'ont pas de réponse, mais les inquiétudes sont permises. Les surprises aussi : pourquoi aller vers autant d'émancipation des métropoles en général quand par ailleurs on plaque un "Grand Paris" étatisé à outrance contre la volonté et les projets de la ville-capitale et du conseil régional d'Ile-de-France?   

Les vraies questions aux oubliettes

Aujourd'hui, deux petites bonnes nouvelles sont venues de St-Dizier et du discours du chef de l'Etat. Le scrutin municipal de liste sera étendu aux communes de 500 à 3500 habitants, et avec lui la clarté des projets propre aux listes bloquées, ainsi que l'application de la règle de la parité hommes-femmes. Les préfets pourront, dès 2013, intégrer dans des intercommunalités les communes qui ne le sont pas, et modifier les groupements aux contours les moins logiques. Certes, il y a un risque d'arbitraire dans cette seconde mesure, mais dix ans après le mouvement initié par les lois Voynet et Chevènement, cette menace est peut-être le meilleur moyen d'achever la carte des intercommunalités, préalable incontournable à leur montée en puissance.

En revanche, beaucoup de questions-clés de notre système politique attachées aux collectivités territoriales ont été littéralement esquivées. Le cumul des mandats? Aggravé. Le statut de l'élu? Pas même abordé. La refonte de la fiscalité locale pour concilier justice sociale et dynamisme des recettes, péréquation et autonomie? Un grand vide, accentué par la suppression "à l'aveugle" de la taxe professionnelle.

Même la composition des structures intercommunales au suffrage universel direct n'est pas obtenue. Les électeurs auront tout juste le droit, à l'occasion des municipales, de savoir qui siègera à l'intercommunalité, ce qu'annoncent déjà sur leurs bulletins de vote de nombreuses équipes candidates. Comble de la maladresse, le projet actuel prévoit que les délégués intercommunaux soient automatiquement les plus haut placés sur les listes municipales, c'est-à-dire celles et ceux qui auront déjà à assumer une tâche d'adjoint ! C'est tellement mieux que de se partager le travail et les responsabilités...

Et le dialogue ?? En option facultative...

La démocratie dans tout ça, aurait au minimum voulu qu'on écoutât un peu les régions, les départements, les intercommunalités et les communes pour connaître les souhaits de ceux qui sont aux manettes et sentent mieux que quiconque les insuffisances et les cohérences propres à chaque échelon. Le peuple aussi aurait dû être impliqué dans une telle réforme. Les parlementaires enfin, auraient dû se voir confier le chantier sans que n'en soient figés dès le départ le nombre d'étages, le tracé des murs et les cloisons.

Fabrice MAUCCI

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Commentaires
M
Nicolas Sarkosy se veut omniprésent et tout régenter<br /> Mais il a une faille, il n'est pas Dieu. Je ne pense qu'il faille le diaboliser ni l'idôlatrer ; je crois que l'ensemble des Français n'est pas dupe, il y aura certainement un revers de médaille quand le temps sera venu...
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