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7 octobre 2009

Quand EDF ne nous éclaire pas

En attendant de conclure par des suggestions pour l’avenir la petite collection d’articles écrits sur le service public, je me permets de partager ici quelques remarques sur EDF.

L’Etat est encore largement majoritaire dans cette grande entreprise (il détient environ 85% du capital), mais ce n’est pas pour autant qu’en tant que citoyens nous sommes tenus informés dans la transparence de son action ni impliqués positivement dans sa stratégie. Allez, il est vrai que nous n’en sommes que clients-usagers, co-propriétaires, usufruitiers et dépositaires, c’est peu.

Cet été, EDF nous a « promenés » avec sa demande de hausse du tarif de l’électricité

Nous avons cependant eu le droit cet été à une « promenade en bateau » en bonne et due forme autour de la hausse des tarifs demandée par Pierre Gadonneix, le futur ex-PDG d’EDF. En plein mois de juillet, ce monsieur est venu nous expliquer sur toutes les ondes qu’il souhaitait l’autorisation de l’Etat pour augmenter les tarifs de l’électricité de 20% sur 3 ans, avant apparemment – et c’est le « apparemment » qui compte – de ravaler son chapeau faute de feu vert gouvernemental.

Comment a-t-il justifié sa requête ? Par l’entretien nécessaire du réseau, la volonté de maintenir la qualité des prestations, l’absence d’augmentation du prix de l’électricité depuis longtemps, les efforts à faire en faveur des énergies « propres »… Habile, le bougre a tenté d’habiller une hausse tarifaire brutale derrière des valeurs qui parlent aux Français, l’écologie et le service public. Pour cajoler notre patriotisme économique et nous rappeler notre propre « bon sens » de la gestion des affaires, il a aussi dégainé l’argument de « l’indépendance énergétique de la France » et le « besoin d’investir pour préparer l’avenir ». Les chiffres et les circonstances de crise ont eu raison de la demande, mais il n’est pas inutile de revenir sur ce chef-d’œuvre de la communication. Parce qu’ici, les petits mensonges et les gros non-dits furent montagnes.

Commençons par l’aspect social de la hausse demandée. Pour nous faire avaler la pilule, Pierre Gadonneix nous a présenté une addition estimée au mois, année par année, et pour un ménage « moyen » dans sa consommation : résultat, 2-3 euros, pas de quoi crier. Mais cela fait 5 par facture (bimestrielle) et 30 par an, la première année. Fin 2012, la coquetterie à 2-3 € par mois aura pompé 90€ par an en rythme de croisière et 180€ sur trois ans. En moyenne !! Ce que peu de médias ont rappelé, c’est qu’une partie non négligeable des Français les plus modestes vit dans des logements sociaux équipés « tout électrique », avec un matériel économe à l’achat mais énergivore à l’usage. Pour eux, la note aurait grimpé du double ou du triple alors que les fins de mois sont très difficiles. Premier oubli.

Investir, mais pour quoi faire M. Gadonneix ?

Venons-en ensuite à ce que le PDG d’EDF a appelé le « besoin d’investissement ». S’il s’agit d’interconnexions européennes présentées comme « vitales pour sécuriser notre approvisionnement », on voit mal pourquoi un vendeur d’énergie s’acquitterait seul du coût de l’opération, en lieu et place d’un impôt européen ou d’une participation conjointe des Etats. A moins qu’il faille comprendre : 1°) que ces liaisons ne servent en fait qu’à exporter vers des pays qui ne s’assument pas sur le plan énergétique ou sur lesquels des parts de marché sont à prendre, 2°) que seule EDF en Europe est intéressée… parce que peut-être seul producteur dont le potentiel serait sous-utilisé ? 3°) que nous paierions donc plus cher demain ici, pour qu’EDF produise et stocke ici des déchets nucléaires destinés à tailler des croupières à ses rivaux étrangers en pratiquant chez eux des prix attractifs. Quand on vous dit que la concurrence a du bon, on omet juste de préciser que ce n’est pas toujours ni partout !

Par un abus de langage tout à fait involontaire, Pierre Gadonneix nous a aussi probablement parlé d’investissement pour évoquer les rachats de concurrents en cascade déjà opérés par son entreprise dans toute l’Europe. Des investissements passés donc, pas productifs du tout donc, sinon en terme de bénéfices et de réduction à terme de cette si salutaire concurrence. En fait, quand il nous disait « faire des investissements », il fallait sans doute en partie comprendre « rembourser des dettes ». Car fin juin 2009, EDF devait à ses créanciers 36,9 milliards d’euros soit une ardoise doublée en à peine un an et demi. Voilà pourquoi en plus de l’appel au peuple via un emprunt public, EDF a également mis en vente aujourd’hui même le réseau du Sud-Est de l’Angleterre qu’il possédait. Quand un opérateur de cette taille lâche un placement en bon état et très rentable et s’adresse à nos portefeuilles plus qu’aux banquiers, c’est qu’il y a le feu à la maison, que la dette est un fardeau, que la confiance n’y est plus. Augmenter les tarifs avait donc pour but de nous faire assumer une boulimie capitalistique qui ne nous a jamais rien rapporté.

Mais ce n’est pas tout. EDF n’est pas rassasiée pour autant et vise la construction de centrales nucléaires dans différents pays d’Europe, dont 4 EPR au Royaume-Uni d’ici 2017. « Investir » voulait-il dire « avec votre argent cher Français, mais à l’étranger » ? Pas impossible non plus.

Seule une entreprise 100% publique peut « encaisser » la décroissance de la demande énergétique !

Passons aux énergies propres et à notre fameuse indépendance énergétique. Si par cela Pierre Gadonneix entendait des énergies renouvelables (solaire, éolienne, hydraulique, marémotrice, d’origine végétale ou à partir de nos déchets), gageons qu’elles sont par nature assez locales et qu’elles assurent en effet la seule indépendance énergétique qui vaille. Qu’EDF finance sa recherche sur ces sujets est louable mais on suppose que cela ne date pas d’hier. Nous parlait-on alors de l’effort auquel l’Etat « contraint » EDF, à savoir s’engager pour un rachat (sur 20 ans et à tarif élevé) des productions indépendantes d’énergies vertes raccordées au réseau ? Espérons que non car ç’aurait été une mascarade : c’est le client d’EDF qui paie déjà et entièrement ce bonus à travers la ligne de sa facture sur la « contribution au service public de l’électricité ».

Au fil de mes lectures, j’ai par contre appris qu’EDF commençait à sentir les effets d’une baisse de la consommation de certains ménages et de certaines entreprises, plus économes en énergie par construction ou rénovation, ou fabriquant et consommant partiellement leur propre énergie produite sur place. Voilà une révélation intéressante, passionnante même : parce qu’elle est passé d’une logique publique à une logique privée, EDF est désormais structurellement incapable d’accompagner une des décroissances fondamentales pour l’avenir, celle de la consommation d’énergie d’origine fossile, aussi nucléaire soit-elle. Une entreprise capitaliste ne peut pas se résoudre à maigrir (en activité) sauf à garder des recettes totales par hausse de tarif, alors qu’un Etat polyvalent se réoriente ou laisse du pouvoir d’achat aux citoyens.

Voilà une info qui compte pour savoir comment relever nos innombrables et urgentissimes défis écologiques. Une info à confronter à celle, parue il y a quelques jours, qui envisage la nomination à la tête d’EDF de quelqu’un qui garderait celle de Veolia, histoire de préparer une privatisation complète par mariage, comme entre GDF et Suez. Ces « ogres de l’eau et de la propreté urbaine » ont déjà l’habitude de la ponction privée sur service public (une rente, ça ne se refuse pas) mais en plus il leur faut en plus une mariée bien dotée. Et des tarifs augmentés rapidement, juste avant le mariage, voilà qui aurait pu aider les actionnaires de Veolia à accepter la dette de la prétendante ! Trois mois séparent les demandes de Gadonneix de son éviction probable et de la mise en route de cette fusion EDF-Veolia, mais le tout est lié. Car c’est l’Etat qui a dû discrètement souffler à Gadonneix d’effectuer cette demande, avant de tester la réaction de l’opinion et de faire mine de refuser. 

Derrière l’atome, il y a une note salée que nous n’avons encore jamais réglée

Après le mensonge plausible, terminons sur le non-dit majeur, celui qui fait mal. EDF avait cet été et aura longtemps encore une véritable bonne raison de demander des hausses de tarifs. Le problème est que dans le seul intérêt de cette entreprise, on nous l’a de nouveau cachée comme on nous l’escamote depuis 20 ans. Notre outil de production d’électricité a considérablement vieilli et nous n’avons jusqu’alors jamais intégré au prix de l’énergie le coût réel de la réparation ou reconstruction des barrages, et moins encore celui hors du commun du démantèlement prochain de nos 50 réacteurs atomiques.

Estimée à 400 millions d’euros par réacteur, l’extinction de la première vague de nos centrales nucléaires se chiffrera donc au total à plus de 23 milliards. Et encore faut-il envisager au-delà les coûts du stockage de déchets dont on ne sait pour l’instant pas quoi faire d’autre. Cet argent, il aurait fallu le provisionner depuis longtemps, au choix (politique) en y consacrant une part des recettes de l’Etat ou une part des factures EDF, et ce depuis la création même des centrales. Aujourd’hui, l’Etat comme les contribuables sont à sec, EDF ne veut ni ne peut « économiquement parlant » assumer seule.

A force de tergiverser on prend déjà des risques, en prolongeant des centrales qui ont depuis 10 ou 15 ans dépassé la durée de vie initialement programmée. Demain, faute d’avoir appliqué précocement un vaste plan de réduction de la consommation, par manque également de la part d’une « EDF semi-privée » de volonté réelle de promouvoir la sobriété énergétique, il faudra probablement financer quelques nouvelles centrales en même temps que d’autres seront démantelées. EDF, dont c’est le cœur de métier, la spécialité par-dessus tout, s’en réjouira, mais cela fera bondir la facture. D’autant que l’Etat, payeur des premières centrales, n’assumera pas la construction  des secondes.

A cela s’ajoutera aussi la flambée du prix du combustible nucléaire, mettant fin au mythe de notre « indépendance énergétique ». Car l’uranium, dont nous n’avons plus un gramme sous notre sol depuis longtemps, est voué à disparaître d’ici 60 ans et d’ici là à faire l’objet d’une concurrence effrénée dans le cadre de la décarbonisation de nos économies. Rien ne permettra plus de maintenir le prix « nigérien » auquel nous le payons aujourd’hui.

Cinq pistes pour en sortir le moins mal possible

Le défi reste donc de tout faire pour démultiplier les sources de productions locales alternatives, et abaisser notre consommation d’électricité pour n’avoir à financer que le strict minimum de nouveaux réacteurs nucléaires. Nous pouvons y parvenir par la plus juste combinaison entre :

1°) l’isolation et le basculement rapides vers d’autres énergies des immeubles chauffés à l’électricité, par des aides et des prêts plus innovants, susceptibles de toucher tous les ménages ;

2°) la recherche et l’exigence « sous délai contraint » d’une plus grande efficacité énergétique des produits de consommation ;

3°) l’extension du principe de la taxe carbone à l’ensemble des consommations énergétiques, pour que le temps qui passe soit une incitation à agir ;

4°) une réforme fiscale qui rende notre système de prélèvement plus progressif pour faire assumer par l’impôt une partie du défi financier, ce que l’Europe peut accepter s’agissant de l’infrastructure ;

5°) la décision à prendre par l’Etat d’imposer à tous les fournisseurs d’électricité un nouveau contrat de service public, dans lequel le tarif sera modulé par tranches de consommation, fonctions de la période de l’année et du nombre de personnes par foyer.

Fabrice MAUCCI

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Commentaires
S
Merci article très intéressant comme d'habitude.<br /> <br /> On a voulu nous faire croire à une augmentation de 2,3% mais en fait pour les petits consommateurs (3 kVA et 6 kVA) qui sont souvent les foyers les moins aisés, la factura va être salée : abonnement passe de 21 à 58 euros pour le 3kVA et de 54 à 67 euros pour le 6 kVA !<br /> <br /> http://www.lesmotsontunsens.com/augmentation-tarifs-edf-petits-arrangements-chiffres-5176<br /> <br /> Enfin pour ceux qui le peuvent, commencez par réduire votre consommation en suivant une démarche négawatt (appareils moins gourmands en énergie, ampoules éco, couper les appareils quand ils ne servent pas, couper les veilles inutiles...) et changez ensuite de fournisseur en optant pour Enercoop (attention cela reste bien plus cher pour l'instant... après cela dépend de votre budget et de vos convictions) http://www.enercoop.fr/<br /> <br /> Enfin Chambéry après le succès de l'opération en Haute-Savoie lance l'opération familles à énergies positives pour réduire de 8% sa consommation et recherche 120 familles volontaires avant fin ocotbre, plus de détails ici :<br /> http://www.chambery-metropole.fr/TPL_CODE/TPL_ACTU/PAR_TPL_IDENTIFIANT/516/PAG_TITLE/R%E9ussirez-vous+%E0+baisser+votre+consommation+d%27%E9nergie+de+8+%25+%3F/1-chambery-metropole-communaute-d-agglomeration.htm
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